Question de fiscalité

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Mise à jour législative – changements supplémentaires touchant le compte de dividendes en capital

Novembre 2016

Le budget fédéral de 2016 fait état de changements visant le compte de dividendes en capital (CDC) et les transferts de contrats d’assurance vie dans certaines circonstances (voir Budget 2016 : Optimisation du compte de dividendes en capital et transfert de contrats aux sociétés). Toutefois, des iniquités ont été mises en lumière à l’égard des modifications proposées (voir Budget 2016 : Transferts d’assurance vie – Dommages collatéraux). Aussi le législateur a-t-il corrigé certaines de ces inégalités dans son projet de loi déposé en juillet (voir Projet de loi suite au Budget de 2016 – Transferts de propriété et compte de CDC).

Dévoilée le 21 octobre 2016, la version définitive de l’avant-projet de loi comprend maintenant les mesures définitives mises de l’avant dans le projet de loi C-29, qui a fait l’objet d’une première lecture le 25 octobre 2016. Cette loi devrait être édictée d’ici la fin de l’année.

Où en sommes-nous à l’heure actuelle? Si, pour la plupart, les mesures demeurent inchangées par rapport au projet de loi présenté en juillet, de légers rectificatifs ont toutefois été incorporés. Le présent article dresse le portrait de la situation actuelle et met ces modifications supplémentaires en relief.

Pour les transferts de contrats d’assurance vie effectués après le 21 mars 2016 visés par le paragraphe 148(7), le produit de disposition du cédant, de même que le coût de base rajusté du cessionnaire, est réputé être la plus élevée des sommes suivantes :

  • La « valeur » (c.-à-d. la valeur de rachat (VR) ou, à défaut, une valeur nulle);
  • La juste valeur marchande (JVM) de la contrepartie donnée lors du transfert;
  • Le coût de base rajusté (CBR) immédiatement avant le transfert.

Le paragraphe 148(7) s’applique aux contrats disposés comme suit :

  • Par voie de don (à moins qu’une disposition permette le transfert en franchise d’impôt);
  • Par une distribution effectuée par une société (p. ex., si un contrat est transféré à titre de dividende en nature);
  • Par le seul effet de la loi en faveur d’une personne (p. ex., si un contrat est détenu en tenance conjointe et que l’un des tenants conjoints décède, à moins qu’une disposition permette le transfert en franchise d’impôt);
  • D’une autre manière, en faveur d’une personne avec laquelle le titulaire du contrat a un lien de dépendance.

Cette dernière catégorie englobe essentiellement tout transfert intervenant entre les actionnaires et leur société. Les conséquences d’un éventuel transfert doivent être examinées avec soin. Cette disposition ne traite que des incidences fiscales découlant du transfert d’un contrat d’assurance vie. D’autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu peuvent toutefois s’appliquer, comme c’est souvent le cas du paragraphe 15(1) sur les avantages aux actionnaires, par exemple. En effet, il faut bien comprendre que même si le cédant n’est pas touché par les incidences fiscales directes du transfert d’un contrat d’assurance vie, l’opération peut néanmoins engendrer d’autres conséquences fiscales.

Par ailleurs, fait important, la règle n’exige pas que la JVM soit échangée, mais simplement que si elle fait l’objet d’un don, elle soit prise en considération dans le calcul des incidences fiscales découlant du transfert du contrat d’assurance vie. Qui plus est, la disposition ne fait pas référence à la JVM du contrat, mais bien à celle de la contrepartie donnée lors du transfert. Cela dit, la JVM du contrat peut tout de même entrer en ligne de compte, notamment aux fins des avantages prévus par le paragraphe 15(1) ou du calcul du montant du dividende en nature.

Prenons l’exemple d’un contrat de 1 000 000 $ ayant une VR de 0 $, un CBR de 50 000 $ et une JVM de 250 000 $. Supposons qu’une société transfère ce contrat à l’un de ses actionnaires moyennant 0 $. Conformément au paragraphe 148(7), le produit de disposition pour la société et le CBR pour l’actionnaire seraient réputés s’élever à 50 000 $. La société n’aurait donc pas d’impôt à verser au titre du transfert puisqu’il n’entraîne aucun gain imposable sur contrat (produit de disposition (50 000 $) – CBR (50 000 $) = 0 $). L’actionnaire, en revanche, se verrait conférer un avantage correspondant à la JVM du contrat (soit 250 000 $).

Maintenant, imaginons le scénario inverse. C’est-à-dire que l’actionnaire transfère le contrat à la société. La même règle s’appliquerait. Le produit de disposition réputé s’établirait au plus élevé des montants suivants : VR, CBR et JVM de la contrepartie donnée. Dans cet exemple, l’actionnaire pourrait recevoir 50 000 $ en franchise d’impôt de la société pour le contrat. De manière générale, l’actionnaire devrait envisager de toucher une contrepartie au moins égale au CBR. La seule exception à cette règle serait si le CBR dépasse la JVM du contrat. Le cas échéant, l’écart entre la JVM du contrat et le CBR conférerait un avantage à l’actionnaire sous l’effet du paragraphe 15(1). L’actionnaire récolterait une somme en espèces supérieure à la valeur de l’actif qu’il aurait transféré.

En outre, une société fermée qui est à la fois titulaire et bénéficiaire d’un contrat peut normalement créditer son CDC du capital-décès, moins le CBR d’un contrat, au moment du décès. Si, au décès, le CBR a été réduit en deçà de zéro, le CDC représenterait le plein montant du produit de l’assurance vie. En général, l’affectation du coût net de l’assurance pure (CNAP) à la réduction du CBR peut donner lieu à un « CBR négatif ». Quoi qu’il en soit, lorsqu’on calcule le gain imposable au titre d’un contrat, le CBR négatif est ignoré.

Quant à eux, les principaux changements se rapportant à la définition de CDC ont trait au produit que reçoit une société fermée par suite du décès d’un assuré après le 21 mars 2016. Ces modifications apportent certaines précisions. Ainsi, dans un premier temps, qui que soit le titulaire du contrat, le CBR sera retranché du crédit porté au CDC d’une société bénéficiaire. Malheureusement, s’il existe plus d’une société bénéficiaire, la totalité du CBR sera soustraite du crédit porté au CDC de chacune. Le législateur n’a pas corrigé ce problème de « double comptabilisation » dans la version définitive du projet de loi.

Dans un second temps, si un actionnaire transfère un contrat à sa société après 1999 mais avant le 22 mars 2016, et que celui-ci décède après le 21 mars 2016, deux autres réductions sont susceptibles de s’appliquer au CDC par suite du versement du produit de l’assurance vie. Ce changement, décrit ci-après, est le plus important des correctifs instaurés par la version définitive du projet de loi.

  1. La « grande déduction » : la JVM de la contrepartie donnée lors du transfert moins la VR ou le CBR immédiatement avant la disposition, selon le plus élevé des deux. Cette déduction est permanente.
  2. La « petite déduction » : l’excédent, s’il y a lieu, de la contrepartie donnée lors du transfert ou du CBR immédiatement avant la disposition, selon le moins élevé des deux, sur la VR moins tout « CBR négatif » au moment du décès. Cette déduction peut être érodée au fil du temps.

Éclaircissons le tout au moyen d’un exemple!

Supposons que monsieur A, actionnaire, est titulaire d’un contrat d’assurance vie assorti d’un capital-décès de 1 000 000 $, d’un CBR de 100 000 $, d’une VR de 60 000 $ et d’une JVM de 200 000 $. Le 21 mars 2016, il a transféré son contrat à la Société A en contrepartie de 200 000 $. Le produit de disposition du transfert, comme le CBR pour la Société A, était alors réputé être de 60 000 $. Monsieur A décède au courant de l’année 2020, tandis que le CBR du contrat est négatif, se chiffrant -20 000 $. Le crédit porté au CDC de la Société A au moment du décès sera calculé comme suit :

1 000 000 $ (capital-décès), moins le CBR du contrat (réputé nul, même s’il est négatif). Jusqu’ici, tout va bien.

Grande déduction – 1 000 000 $, moins 200 000 $ retranché du CBR ou de la VR au moment du transfert, selon le plus élevé des deux (en l’occurrence 100 000 $). Autrement dit, la déduction permanente équivaudra à 100 000 $, portant le crédit du CDC à 900 000 $.

Petite déduction – Une autre déduction est appliquée au CDC à hauteur de la JVM de la considération donnée ou du CBR au moment du transfert, selon le moins élevé des deux (en l’occurrence 100 000 $), moins la VR au moment du transfert (à savoir 60 000 $), ce qui nous donne 40 000 $. Or, comme le CBR du contrat est négatif, la déduction est diminuée de ce dernier (40 000 $ - 20 000 $). Nous obtenons donc une déduction de 20 000 $.

Résultat : le crédit total porté au CDC dans cet exemple est égal à 880 000 $.

Pourquoi un calcul si complexe? Regrettablement, ce sont probablement les arguments avancés par des organismes bien intentionnés du secteur qui nous auront menés jusque-là. Cette formule laborieuse s’appuie certes sur un raisonnement; malheureusement, l’essentiel a été perdu de vue au profit des détails.

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Le présent bulletin est à jour au moment de sa rédaction, mais n’est pas actualisé lorsque des changements sont apportés aux dispositions législatives, à moins d’indication contraire.

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