Saisie de contrat d’assurance par l’ARC : la prescription ne cours pas
Mars 2017
Il est bien connu que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») n’est pas une créancière comme les autres. Elle est habilitée, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, à saisir un contrat d’assurance vie et à émettre un avis de saisie-arrêt pour exercer ce pouvoir à l’encontre d’un contribuable. Est-ce qu’un délai de prescription provincial s’applique une fois une ordonnance de saisie-arrêt obtenue d’un tribunal? C’est là une question qui a été soulevée dans l’affaire Ministre du Revenu national c. Ruh et al., 2017 CF 272 (Cour fédérale).
La contribuable en cause avait un arriéré d’impôt remontant à 1993. Le 31 mars 1994, le ministre a envoyé une demande à la Sun Life afin qu’elle verse à l’ARC les sommes (jusqu’à 216 661 $) qu’elle pourrait être appelée à payer à la contribuable au titre de trois contrats d’assurance vie dont cette dernière était titulaire. Le 27 septembre 1994, le ministre a déposé, en vertu du paragraphe 223(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, un certificat attestant le montant d’impôt dont la contribuable était redevable. Puis, le 19 décembre 1994, une ordonnance provisoire a été signifiée à la Sun Life, lui enjoignant de saisir toutes sommes qu’elle pourrait être appelée à verser à la contribuable. Le 21 février 1995, la Cour a rendu l’ordonnance définitive. Le 13 janvier 1995, la Sun Life avait déposé auprès de la Cour fédérale une déclaration précisant que, bien que les trois contrats visés aient une valeur de rachat, aucune somme ne serait due à la contribuable à moins que cette dernière ne lui réclame le versement de la valeur de rachat desdits contrats.
La contribuable n’ayant pas présenté une telle demande, l’ordonnance a été mise en attente pendant plus de 20 ans. Après avoir déménagé en Espagne, la contribuable a récemment demandé de faire abroger l’ordonnance de 1995 afin d’être libre de gérer ses contrats d’assurance à sa guise. Elle a réclamé la mainlevée de l’ordonnance, alléguant que le délai de prescription prévu par le Code civil du Québec s’appliquait et que l’ordonnance avait expiré.
La Cour fédérale a refusé d’accorder la mainlevée de l’ordonnance de 1995. Elle a indiqué que la législation provinciale ne s’appliquait pas en les circonstances et que, par conséquent, l’expiration du délai de prescription invoquée par la contribuable ne pouvait être reçue comme argument. Ainsi, l’ordonnance définitive du 21 février 1995 a eu pour effet de saisir-arrêter toute somme dont la Sun Life était redevable à la contribuable afin qu’elles soient remises au ministre; or, jusqu’à ce que la contribuable ait procédé au rachat de ses contrats d’assurance, la Sun Life ne lui est redevable d’aucune somme. Donc, l’ordonnance tient toujours; elle est mise en attente jusqu’à ce que la contribuable demande à la Sun Life de lui verser la valeur de rachat des contrats. Fait digne de mention, si la contribuable décédait demain, le bénéficiaire désigné pourrait recevoir le produit, quitte de l’ordonnance obtenue par le ministre, sauf si la succession de la contribuable est le bénéficiaire désigné au contrat.
Autrement dit, dans ce cas, les ordonnances de saisie-arrêt ne s’envolent pas. Comme cette affaire le confirme, l’ARC est une créancière bien à part.
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