Fiscalité – Désignation de bénéficiaire : pourquoi, quand et comment?
Dernière mise à jour : Février 2024
La décision de souscrire un contrat d’assurance vie est un élément important du plan successoral. Et s'assurer que le produit de l'assurance sera versé aux bénéficiaires visés fait partie intégrante de ce plan. Une telle décision peut sembler facile à prendre, mais il faut tenir compte des nombreux facteurs qui entourent la désignation de bénéficiaire. Le présent bulletin Actualité fiscale traite de ces facteurs. Pour en savoir plus, consulter le « Guide du conseiller sur les désignations de bénéficiaire ».
Définition de bénéficiaire
Chaque loi provinciale sur les assurances a sa propre définition de « bénéficiaire ». En général, cette définition est sensiblement la même d’une province à l’autre. Le « bénéficiaire » est défini comme étant une personne, à l’exception de l’assuré ou de son représentant successoral, à laquelle ou en faveur de laquelle des sommes assurées sont payables dans le cadre d’un contrat ou au moyen d’une déclaration. Sauf au Québec, la loi sur les assurances définit « l’assuré » comme étant le titulaire du contrat et indique que c’est l’assuré qui désigne le bénéficiaire. L’assuré et le titulaire peuvent être la même personne, mais pas nécessairement. Pour des besoins de clarté, nous utiliserons le terme « titulaire » dans la présente sauf si l’on fait référence à la personne assurée, auquel cas nous utiliserons le terme « assuré ». Au Québec, la distinction entre ces termes est un peu différente. L’assuré est la personne assurée et le titulaire est le titulaire du contrat et non l’assuré. Le titulaire du contrat désigne le bénéficiaire.
Désignation ou déclaration
Un titulaire de contrat peut désigner un bénéficiaire dans la proposition d’assurance ou au moyen d’une déclaration ultérieure. Par « déclaration », on entend généralement un acte signé par le titulaire du contrat qui établit son intention de faire, de modifier ou de révoquer une désignation de bénéficiaire au titre d’un contrat donné. Le terme « acte » peut inclure un testament ou un autre document écrit, tel un contrat de fiducie. La désignation faite dans la proposition d’assurance peut être révoquée par écrit au moyen d’une déclaration dans un acte ultérieur. Il est important de se rappeler l’endroit et la date auxquels une désignation est faite afin qu’elle ne soit pas révoquée par la suite.
Si le titulaire du contrat désigne par écrit un bénéficiaire au moyen d’une déclaration (un acte distinct), il peut, s’il le désire, informer l’assureur de l’existence d’une telle déclaration, mais il n’est pas tenu de le faire. Cependant, si la déclaration n’est pas envoyée à l’assureur, le produit de l’assurance pourrait être versé à une personne autre que celle qui était visée par la déclaration.
Points à considérer au sujet d’une déclaration par testament
Un testament doit être révocable dans son ensemble. Une désignation de bénéficiaire faite au moyen d’une déclaration dans un testament est toujours révocable, avec ou sans indication contraire du testateur. Par conséquent, si un testament est révoqué, la déclaration qu’il renferme l’est également. Il y aura aussi révocation si le testament est révoqué par effet de la loi. Si le testateur a l’intention de désigner un nouveau bénéficiaire, il doit faire une nouvelle désignation dans le contrat d’assurance ou au moyen d’une déclaration immédiatement après la révocation du testament. Dans le cas contraire, le produit sera versé au titulaire ou à ses ayants droit (si le titulaire est l’assuré).
Aucune formalité n’est exigée pour une désignation de bénéficiaire, si ce n’est qu’elle doit être faite par écrit. Le testament doit être conforme aux exigences de la loi provinciale pour être valide. Si le testament est reconnu non valide parce qu’il ne respecte pas ces exigences, la déclaration d’assurance qu’il renferme peut quand même être valide, car ces formalités ne s’y appliquent pas conformément à la loi provinciale sur les assurances.
Lorsqu’une désignation de bénéficiaire est ajoutée à un testament, elle est considérée comme une désignation en vertu des lois sur les assurances des provinces de common law. Elle est consignée dans un document écrit (un testament), ce qui est également une exigence en vertu de la Loi sur les assurances. Lorsque cette méthode de désignation de bénéficiaire est utilisée, il faut porter une attention particulière aux politiques qui s’appliquent à la désignation en identifiant chaque contrat par compagnie d’assurance et par numéro de contrat. De plus, les contrats détenus par une société ne peuvent pas être inclus dans cette désignation, puisque la société est le titulaire du contrat.
À l’établissement d’une fiducie d’assurance, la clause déclarative devrait préciser que la déclaration est faite conformément à la Loi sur les assurances à titre de fiducie d’assurance et renvoyer à un numéro de contrat et à l’assureur. La déclaration devrait être séparée des clauses portant sur la répartition des biens du testament afin d’éviter que des legs ne soient pas faits conformément à la volonté du testateur. Elle devrait préciser les pouvoirs du fiduciaire et indiquer les bénéficiaires. Une fiducie d’assurance peut être créée de plusieurs façons et comporte plusieurs avantages. Au Québec, les fiducies d’assurance ne sont pas utilisées à des fins de planification.
Examen de la validité des instruments testamentaires
La désignation d’un bénéficiaire est perçue comme la rédaction d’un testament. Les deux gestes sont de nature testamentaire et peuvent être contestés avec les mêmes motifs. Les lois provinciales établissent les exigences formelles à respecter lors de la rédaction d’un testament et indiquent que le testateur ne doit pas subir d’influence indue, de circonstances suspectes et qu’il doit être capable. Selon la jurisprudence, un testateur doit avoir la capacité de comprendre quels actifs il détient en date de la rédaction du testament et les incidences de leur distribution au décès. Le critère de capacité est le même pour une désignation de bénéficiaire que pour un testament. (Voir l’affaire Succession Turner c. Bezanson (1995) 6 ETR (2d) 282, 139 NSR (2d) 296 (SC) confirmé sur ce point (1995), 8 ETR (2d) 169, 143 NSR (2d) 123).
Le libellé de la loi sur les assurances des provinces de common law exige qu’une désignation de bénéficiaire soit faite par écrit et qu’elle identifie le contrat et le bénéficiaire (voir les paragraphes 191(2) et 171(1) de la Loi sur les assurances de l’Ontario). Ce qui est particulier aux contrats d’assurance, c’est que le tribunal doit tenir compte des exigences contractuelles stipulées dans la loi provinciale sur les assurances au sujet des désignations de bénéficiaire ou, lorsque la désignation est faite dans un document écrit, déterminer si elle est valide. Dans le dernier cas, c’est la jurisprudence qui permet de déterminer et d’interpréter ce qui était prévu au décès d’une personne. L’examen sommaire de la jurisprudence qui suit donne une certaine idée des sujets qui sont débattus devant les tribunaux.
a) Influence indue, contrainte, circonstances suspectes
Dans l’affaire David c. Trans America, 2015 ONSC 5192 (CanLII), la Cour supérieure de l’Ontario a conclu à l’existence de circonstances suspectes. Dans ce dossier, le tribunal a considéré les règles particulières applicables en cas de contestation de la validité d’un instrument testamentaire. Il a indiqué que ces règles visent à protéger les personnes vulnérables qui souhaitent rédiger un testament ou effectuer une désignation de bénéficiaire. Cela vise à assurer le partage des biens du testateur selon ses volontés, après son décès.
b) Capacité
Dans l’affaire succession Fawson c. Deveau, 2016 NSCA 39 (CanLII) 201, le tribunal devait déterminer si une désignation de bénéficiaire était invalide. Dans une autre instance, le testament de la défunte avait été jugé invalide. Le tribunal a déterminé que la désignation de bénéficiaire n’avait pas été faite en même temps que le testament et que, par conséquent, il n’y avait pas de preuve que la testatrice n’avait pas la capacité au moment de la désignation de bénéficiaire. Selon le tribunal, la capacité est un concept fluide et doit être évaluée soigneusement d’après les faits. Le demandeur a le fardeau de démontrer l’incapacité de la testatrice. Dans ce cas, il ne s’est pas acquitté de ce fardeau.
Dans l’affaire Wasylynuk c. Bouma, 2018 AQB 159, le défunt avait considérablement modifié son plan successoral, y compris les désignations de bénéficiaire de quatre contrats d’assurance. Au lieu de distribuer son patrimoine et le capital assuré à ses enfants vivants, il a désigné son unique fils comme bénéficiaire, lui faisant confiance pour une distribution équitable du patrimoine. Le défunt avait depuis longtemps des problèmes d’alcoolisme et souffrait également de démence. Son avocat lui avait suggéré d’obtenir un certificat de capacité mentale et une opinion juridique indépendante confirmant sa capacité de mettre en œuvre le plan successoral. Le défunt avait suivi ce conseil et obtenu l’opinion juridique indépendante et le certificat de capacité mentale. La Cour était satisfaite de la preuve et a jugé qu’il avait la capacité de signer les documents mettant en œuvre son plan. Lorsqu’un plan successoral est modifié, la cour indique qu’obtenir un certificat de capacité et un avis juridique indépendant est maintenant une bonne façon d’assurer qu’il y a une preuve de la capacité de la personne à la date de désignation du bénéficiaire. Il est essentiel d’effectuer un test de capacité en même temps qu’un plan successoral.
c) Influence indue
Dans l’affaire O’Meara c. Miller, 2021 ONSC 5919, la désignation de bénéficiaire a changé à plusieurs reprises avant qu’une connaissance de l’assuré décédé ne soit finalement désignée comme bénéficiaire à la place de la fille de l’assuré. Au décès, la fille a invoqué la capacité et l’influence indue. Elle n’a pas eu gain de cause relativement à la capacité, faute de preuve. Le tribunal a examiné l’argument de l’influence indue, et il a conclu que la relation entre l’assuré décédé et sa connaissance était respectueuse et qu’aucun avantage n’en avait été tiré, que ce soit sur le plan financier ou autre. Le tribunal a déclaré qu’il s’agissait d’une relation aidante et saine pour le décédé, et il n’a donc décelé aucun motif pour invoquer l’influence indue.
Protection contre les créanciers - catégorie protégée
La catégorie protégée ou la catégorie de la famille procure à certains bénéficiaires une protection unique contre les créanciers. La loi sur les assurances stipule qu’un contrat ne peut pas faire l’objet d’une saisie de la part des créanciers du titulaire tant que l’assuré est vivant si la désignation est faite en faveur d’un conjoint, d’un enfant, d’un petit-enfant ou du père ou de la mère de l’assuré. Cette protection ne s’applique pas si le titulaire, le représentant successoral du titulaire ou ses ayants droit sont bénéficiaires du contrat d’assurance. Aux termes du Code civil du Québec, le conjoint et les descendants et ascendants du titulaire du contrat font partie de la catégorie de la famille.
Dans toutes les provinces sauf au Québec, c’est le lien entre le bénéficiaire et l’assuré, et non avec le titulaire du contrat, qui détermine la protection accordée au bénéficiaire par la loi. Prenons l’exemple suivant : A souscrit une assurance sur la tête de B. L’enfant de A est nommé bénéficiaire au titre du contrat. Selon ce scénario, l’enfant de A ne serait pas lié à B et, de ce fait, ne serait pas considéré comme faisant partie de la catégorie protégée. Cependant, au Québec, le contrat serait protégé contre les créanciers au titre de cette désignation de bénéficiaire.
La loi uniformisée sur l’assurance vie des provinces de common law permet à un fiduciaire d’être désigné pour un bénéficiaire. Bien qu’il n’existe aucun cas de jurisprudence sur ce point qui a remis en question la désignation d’un fiduciaire en tant que bénéficiaire, le libellé de la loi semble être en faveur de l’argument selon lequel un fiduciaire est nommé « pour » ou au nom du bénéficiaire. La protection contre les créanciers devrait s’appliquer à ces membres de la catégorie des bénéficiaires privilégiés, même si la relation entre le fiduciaire et l’assuré ne correspond pas à la définition de cette catégorie. La protection, si protection il y a, est fonction du lien existant entre le bénéficiaire ultime de la fiducie et l’assuré. Ce n’est pas le cas dans la province de Québec où il existe une distinction entre un fiduciaire et un tuteur. Si la désignation est faite « en fiducie en faveur d’un enfant mineur » et que le fiduciaire n’est pas le tuteur de l’enfant, alors le fiduciaire ne devrait pas pouvoir réclamer les sommes assurées au nom de l’enfant. Le tuteur peut réclamer ces sommes au nom de l’enfant mineur. Ces sommes sont alors insaisissables par les créanciers parce que le bénéficiaire est un enfant du titulaire.
Si un fiduciaire fait partie de la catégorie des bénéficiaires privilégiés (par exemple lorsqu’un enfant mineur ou invalide est bénéficiaire), il est préférable de préciser le nom du bénéficiaire et le nom du fiduciaire de chaque fiducie pour éviter tout doute.
La protection contre les créanciers ne s’applique qu’au titulaire et non au bénéficiaire. Une fois que le produit est versé au bénéficiaire, si ce dernier a des créanciers, ces créanciers peuvent récupérer leur dû à partir du produit. (Voir l’affaire Norman, requête NLSC 149 2019).
Désignation du bénéficiaire et compte auxiliaire
Le compte auxiliaire ne fait pas partie du contrat. Une désignation de bénéficiaire ne peut pas être effectuée pour des fonds dans le compte auxiliaire et la protection contre les réclamations des créanciers ne s’applique pas. Lorsqu’un titulaire successeur a été nommé pour le contrat, le compte auxiliaire ne fait toujours pas partie du contrat, mais il est inclus à titre d’élément de la succession du titulaire décédé au décès, et les frais d’homologation éventuellement applicables dans la province seront perçus.
Contrats établis avant 1962
Les désignations antérieures à 1962 diffèrent, car lorsque la désignation était effectuée en faveur d’un membre de la famille ou catégorie protégée, l’assuré pouvait par la suite modifier la désignation, mais à la condition de choisir un autre membre de la même catégorie. Sinon, un consentement était exigé. Ce n’est plus le cas.
Types de désignations
a) Bénéficiaire irrévocable
Il existe deux types de désignations : révocable et irrévocable. Le titulaire du contrat peut faire une désignation de bénéficiaire irrévocable, mais il restreint alors considérablement sa capacité de gérer son contrat. En effet, la désignation irrévocable confère au bénéficiaire des droits selon lesquels celui-ci doit donner son consentement pour que le titulaire puisse effectuer certaines opérations contractuelles. Lorsque le bénéficiaire irrévocable est mineur, le contrat est bloqué jusqu’à ce que le bénéficiaire atteigne l’âge de majorité et puisse donner son consentement pour des opérations liées à des contrats d’assurance. L’âge de majorité est 19 ans dans les provinces suivantes : Nouveau Brunswick, Terre-Neuve, Nouvelle-Écosse, Territoires du Nord-Ouest, Nunavut, Yukon et Colombie-Britannique; il est 18 ans dans les provinces suivantes : Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Ontario, Québec et Île-du-Prince-Édouard.
Dans le cas d’une désignation irrévocable, le titulaire du contrat doit obtenir le consentement du bénéficiaire pour les opérations suivantes :
- modifier ou révoquer la désignation de bénéficiaire;
- céder le contrat d’assurance;
- retirer des fonds;
- transférer la propriété du contrat;
- modifier la couverture contractuelle;
- effectuer un rachat
- effectuer une transformation
Au Québec, la désignation du conjoint comme bénéficiaire est automatiquement irrévocable, sauf indication contraire. Dans le cas d’une désignation de bénéficiaire irrévocable, le titulaire peut recevoir les participations du contrat ou changer le contrat pour un contrat d’assurance libérée réduite.
Aussi restrictive qu’une désignation de bénéficiaire irrévocable puisse paraître, un contrat peut tomber en déchéance sans que le bénéficiaire le sache et être résilié par la compagnie d’assurance
La plupart des législations provinciales exigent qu’une désignation de bénéficiaire irrévocable soit déposée auprès de la compagnie d’assurance du vivant de l’assuré. Si une telle désignation n’est pas déposée, le bénéficiaire sera considéré comme étant révocable, et ce, même si on trouve la désignation après le décès de l’assuré.
La désignation d’un bénéficiaire irrévocable peut avoir de graves conséquences. Elle ne devrait être faite que pour un motif valable et à la condition que le titulaire comprenne bien les conséquences d’une telle désignation. Dans certaines provinces, on exige même un document confirmant que le titulaire comprend les conséquences d’une telle désignation. Par exemple, selon la Loi sur les assurances de la Nouvelle-Écosse, le titulaire doit signer un document confirmant qu’il comprend bien la désignation de bénéficiaire et l’agent doit certifier que la désignation a été expliquée au titulaire.
Il existe seulement quelques cas où une désignation de bénéficiaire irrévocable est recommandée. Si la question de la protection contre les créanciers est importante et que le bénéficiaire visé n’appartient pas à la catégorie des bénéficiaires privilégiés ou de la famille, une désignation de bénéficiaire irrévocable peut être indiquée. C’est un élément à prendre en considération à condition que la désignation ne soit pas perçue comme une cession frauduleuse.
Une telle désignation peut également être faite par suite d’une ordonnance du tribunal de la famille ou d’une entente de séparation. Dans l’arrêt Dagg v. Cameron, 2017 ONCA 366 (CanLII), le juge devait examiner la notion de personne à charge ainsi que l’incidence que pourrait avoir une demande de soutien pour personne à charge sur une désignation de bénéficiaire irrévocable ayant fait l’objet d’une ordonnance du tribunal. La Cour d’appel a indiqué que l’ordonnance du tribunal visait à obliger le mari à verser une pension alimentaire et par conséquent, l’épouse était considérée comme une créancière en raison de l’ordonnance du tribunal. Le statut de créancier n’est toutefois pas sans limites. Lorsque les sommes versées excèdent l’obligation de support, tout excédent peut servir au règlement d’autres demandes de soutien pour personne à charge.
Lorsqu’un bénéficiaire irrévocable devient incapable, un problème se pose pour le titulaire du contrat, parce que le bénéficiaire irrévocable doit consentir à certaines opérations sur contrat, comme il est indiqué ci-dessus. Le titulaire du contrat doit généralement obtenir le consentement du bénéficiaire irrévocable pour effectuer certaines opérations au titre du contrat. Lorsqu’un bénéficiaire irrévocable devient incapable, le titulaire du contrat ne peut effectuer ces opérations. Pour remédier à ce problème, le bénéficiaire irrévocable pourrait signer une procuration ou un mandat donnant au mandataire le pouvoir d’agir à sa place relativement au contrat. Le mandataire nommé pourrait ainsi effectuer certaines opérations limitées au titre du contrat, sauf en transférer la propriété ou désigner un bénéficiaire. En Alberta, en Ontario, au Manitoba et en Colombie-Britannique, le titulaire du contrat peut, en vertu des lois sur l’assurance qui s’appliquent, s’adresser au tribunal pour obtenir une ordonnance lui permettant de gérer le contrat d’assurance sans le consentement du bénéficiaire irrévocable.
Lorsqu’un bénéficiaire irrévocable décède avant l’assuré, la désignation de bénéficiaire irrévocable prend fin. Les ayants droit du bénéficiaire irrévocable décédé n’ont aucun droit dans le contrat, à moins que la part de ce dernier ne soit attribuée à son décès. Pour ce, on peut soit l’indiquer dans la désignation principale, soit faire l’attribution à un bénéficiaire en sous-ordre relativement à cette part. S’il n’y a pas de pourcentage ou d’attribution relative à la part du bénéficiaire irrévocable et qu’il y a d’autres bénéficiaires survivants, ceux-ci recevront une part égale, à moins que le produit n’ait été attribué par pourcentage. S’il n’y a pas d’autres bénéficiaires survivants et qu’aucun bénéficiaire en sous-ordre n’a été désigné, le produit de l’assurance est versé à la succession de l’assuré ou au titulaire du contrat.
Lorsqu’un faible pourcentage du produit de l’assurance est affecté à un bénéficiaire irrévocable (p. ex., 1 %), il pourrait être nécessaire d’obtenir son consentement, quel que soit le faible pourcentage d’affectation. Cela peut être fait pour protéger la totalité du produit contre les créanciers du titulaire du contrat. Cependant, il n’y a pas de jurisprudence à ce sujet et les compagnies d’assurance peuvent adopter des positions différentes quant à l’obtention du consentement pour les opérations sur contrat et quant à savoir si l’ensemble du produit est protégé contre les créanciers.
b) Bénéficiaire révocable
Une désignation de bénéficiaire est révocable sauf s’il est expressément indiqué qu’elle est irrévocable. Au Québec, la situation est différente lorsque le conjoint est désigné comme bénéficiaire. Dans cette province, la désignation d’un conjoint est réputée être irrévocable, sauf s’il est expressément et clairement indiqué par le titulaire du contrat qu’elle est révocable.
Contrairement aux désignations irrévocables, les désignations révocables permettent au titulaire de gérer librement son contrat sans avoir besoin du consentement du bénéficiaire.
Identification des bénéficiaires
Fournir le nom du ou des bénéficiaire(s) est la manière la plus simple d’identifier les personnes à qui doivent être versées les sommes assurées, sauf si deux bénéficiaires ont le même nom. Bien que cela puisse paraître étrange, il peut y avoir dans une famille plusieurs personnes du même nom.
a) Conjoint
La désignation est plus compliquée lorsqu’il n’y a pas de description du bénéficiaire. Par exemple, le terme « mon conjoint » peut entraîner des problèmes si le testateur a un conjoint de fait et un conjoint dont il est séparé.
À la suite d’un divorce ou de la dissolution d’un mariage, les désignations existantes de bénéficiaire d’un contrat d’assurance doivent être examinées attentivement pour s’assurer qu’elles reflètent la situation actuelle. En général, lorsque le « conjoint » est nommé, la désignation peut demeurer en vigueur même après une rupture de mariage. Pour changer la désignation du conjoint comme bénéficiaire, le titulaire du contrat doit révoquer ou modifier cette désignation. Au Québec, le Code civil stipule expressément que le divorce (mais non la séparation) annule automatiquement les intérêts du conjoint désigné. Dans cette province, un divorce dont le jugement a été prononcé avant décembre 1982 n’annule pas la désignation du bénéficiaire, sauf s’il y a une ordonnance du tribunal à cet effet ou qu’un jugement distinct de révocation a été prononcé dans une ordonnance du tribunal.
b) Enfant(s)
Lorsqu’une désignation de bénéficiaire est faite en faveur de « mes enfants également », on peut se demander si la désignation s’étend aux enfants de l’assuré ou si elle exclut les enfants adoptés ou nés hors mariage. Dans l’affaire Brulé c. Succession de Brûlé 1979 CanLII 40 (SCC), la Cour suprême du Canada a indiqué que la loi sur les assurances n’exclut pas les enfants nés hors mariage. Le tribunal a conclu que le mot « enfants » inclut tous les enfants de l’assuré (le titulaire du contrat et l’assuré étaient la même personne) nés avant ou après la désignation de bénéficiaire et qui étaient vivants à la date du décès. Au Québec, un enfant à naître au moment du décès du titulaire du contrat est inclus dans la désignation à titre d’enfant de l’assuré, si cet enfant naît vivant.
En Nouvelle-Écosse, dans l’affaire Strong v. Marshall Estate, 2009 N.S.C.A. 25, une enfant adoptée a présenté une demande au tribunal afin de recevoir la succession de sa mère biologique, qui était décédée ab intestat. Le tribunal devait, en fait, établir si la défunte avait réellement l’intention de léguer ses biens à l’enfant. Le tribunal a conclu que l’enfant adopté devient l’enfant des parents adoptifs et, de ce fait, cesse d’être l’enfant des parents biologiques. La demande a donc été rejetée.
c) Procréation assistée
La reproduction issue de l’établissement d’une convention de gestation pour autrui, de la procréation assistée ou de l’utilisation de matériel génétique peut également devoir être prise en compte pour tenter de déterminer les enfants ou les descendances aux fins de la planification successorale et de la désignation de bénéficiaire. Il n’y a actuellement aucune jurisprudence à ce sujet.
d) Héritiers, ayants droit, plus proches parents
En général, dans la plupart des législations provinciales, lorsqu’une désignation est faite en faveur des « héritiers », « ayants droit » ou « plus proches parents » de l’assuré, c’est le représentant personnel de la succession de l’assuré qui est le bénéficiaire du produit de l’assurance. Le produit fait partie de la succession de l’assuré décédé et sera distribué conformément aux volontés exprimées dans le testament ou selon la loi provinciale si l’assuré est décédé ab intestat.
e) Nomination d’un fiduciaire
La législation provinciale permet au titulaire de contrat de nommer un fiduciaire comme bénéficiaire dans le contrat ou par déclaration (par ex., fiducie d’assurance). Un tel cas se présente habituellement lorsqu’il y a un enfant mineur ou invalide ou lorsqu’un bénéficiaire est plutôt dépensier. Le titulaire peut donner des instructions détaillées au fiduciaire sur la manière dont les sommes assurées devraient être utilisées pour le bien du bénéficiaire. Ces instructions devraient être détaillées au maximum. Souvent, de telles ententes visent à régler des questions d’entretien et d’éducation d’un bénéficiaire mineur ou invalide. Si le produit était versé à un fiduciaire sans que des précisions soient données sur les pouvoirs du fiduciaire, les droits de celui-ci seraient régis par la loi provinciale sur les fiduciaires. Selon la province, la capacité du fiduciaire de gérer le produit de l’assurance peut être considérablement restreinte, y compris sa capacité d’effectuer certains placements. Voir ci-dessous la section « En fiducie en faveur de », qui contient des précisions sur la nomination d’un fiduciaire.
Considérations d’ordre général concernant la désignation – « Besoin » d’assurance
Avant de faire une désignation de bénéficiaire, il est important de déterminer à quel moment et dans quelles circonstances le produit de l’assurance sera nécessaire, et s’il le sera vraiment. Le but de l’assurance devrait être examiné. Par exemple, une entreprise devrait-elle être nommée bénéficiaire d’une assurance couvrant la perte d’un employé essentiel, les dettes de l’entreprise ou le provisionnement d’une convention de rachat de parts? Dans le cas d’un particulier, le produit peut être nécessaire pour les ayants droit ou un bénéficiaire désigné pour remplacer le revenu, entretenir les personnes à charge, provisionner des legs ou pour payer les frais d’enterrement, les coûts de la succession, les dettes ou l’impôt payable au décès. Dans ces cas, il est impératif de déterminer s’il y a un besoin d’assurance afin de s’assurer que le produit soit versé à la partie appropriée. Ces questions doivent être prises en compte lorsque l’on fait une désignation de bénéficiaire.
a) « En fiducie en faveur de »
Il est de pratique courante de désigner un bénéficiaire en utilisant simplement l’expression « en fiducie en faveur de » dans le formulaire de désignation de bénéficiaire. De fait, les formulaires d’un grand nombre de compagnies d’assurance permettent ce type de désignation. Cela peut signifier qu’aucun autre contrat de fiducie n’existe. Ces types de désignations ont des conséquences qui souvent n’ont pas été prévues au moment où elles ont été faites et au Québec, ces désignations peuvent même ne pas être considérées comme valides.
Un des inconvénients d’une désignation « en fiducie en faveur de » est l’incapacité pour le fiduciaire d’entamer le capital au bénéfice du mineur. Un autre problème est l’âge auquel un bénéficiaire mineur peut accéder aux fonds. Ainsi, un enfant mineur pourrait être apte à recourir au tribunal pour obtenir une ordonnance obligeant le fiduciaire à lui verser les fonds à sa majorité (à 18 ou 19 ans, selon la province).
À compter de janvier 2024, ces types de fiducies seront assujettis aux obligations de déclaration fédérales relatives aux fiducies. Cela comprend la déclaration du constituant et du bénéficiaire de la fiducie. Cette divulgation est requise une fois que le produit de la fiducie a été réglé et non avant.
Pour obtenir plus de précisions sur les avantages d’acte de fiducie formel, consultez; La fiducie d’assurance – Guide du conseiller et Guide du conseiller sur les désignations de bénéficiaire.
b) Bénéficiaires mineurs et invalides
Lorsqu’un enfant est mineur, le produit d’une assurance ne peut lui être versé (voir le paragraphe 220(1) de la Loi sur les assurances de l’Ontario). Par conséquent, une fiducie officielle doit être établie. Une entente de fiducie formelle peut déterminer l’âge auquel le mineur sera autorisé à toucher des fonds et spécifier les types de placements pouvant être faits. Il faut noter les nouvelles obligations en matière de déclaration relative aux fiducies mentionnées ci-dessus.
Dans le cas d’une personne mineure ou aux prises avec des difficultés mentales, un fiduciaire devrait toujours être nommé pour gérer les fonds au nom de cette personne lorsque ceux-ci deviennent payables. Sinon, le tribunal devra peut-être nommer un représentant. Il y a également le risque de voir les fonds gérés par le Bureau du Tuteur et curateur public ou par l’organisme gouvernemental pertinent de la province si aucune personne n’est nommée ni désignée comme fiduciaire.
Au Québec, la Loi sur les assurances et le Code civil du Québec ne permettent pas la nomination d’un fiduciaire pour le compte d’un mineur. Dans le cas d’une personne invalide (vulnérable), le Curateur public peut être nommé.
Il existe des stratégies de planification dans le cas d’une personne invalide qui devient bénéficiaire du produit d’une assurance. Une fiducie discrétionnaire peut être constituée pour éviter que les prestations d’invalidité du gouvernement provincial soient supprimées. Cette possibilité n’est pas offerte dans toutes les provinces. Pour en savoir plus sur la fiducie dite « Henson », reportez-vous à la FAQ intitulée « Qu’est-ce qu’une fiducie Henson? ».
c) Bénéficiaires multiples et en sous-ordre
Lorsque deux bénéficiaires ou plus sont désignés dans un contrat d’assurance, le titulaire doit indiquer clairement si l’un des bénéficiaires a préséance sur les autres ou si le produit de l’assurance doit être partagé en parts égales entre tous les bénéficiaires. Les lois provinciales stipulent que si le titulaire n’a pas indiqué de quelle manière doit être divisé le produit, celui-ci est divisé en parts égales entre les bénéficiaires.
Le bénéficiaire principal est la personne à qui sera versé le produit de l’assurance au décès de l’assuré pourvu qu’elle soit vivante. Au Québec, cela signifie conçue et née vivante.
Un bénéficiaire en sous-ordre est désigné pour le cas où le bénéficiaire principal serait décédé au moment où le produit devient payable. Dans ce cas, le produit serait payable « à A, s’il est vivant, sinon à B ». Il est toujours avisé de nommer un bénéficiaire en sous-ordre (souvent appelé « second bénéficiaire ») afin d’éviter la fâcheuse situation où le bénéficiaire principal décède avant l’assuré et où aucun autre bénéficiaire n’a été désigné. Au Québec, un bénéficiaire en sous-ordre est aussi appelé « bénéficiaire subsidiaire ».
L’omission de nommer un bénéficiaire en sous-ordre peut faire en sorte que le legs devienne « caduc ». Par exemple, supposons que le produit de l’assurance est dévolu comme suit : 4 parts à « A », 2 parts à « B » et 1 part à « C ». Si « A » décède avant l’assuré et qu’aucun bénéficiaire en sous-ordre n’est désigné pour toucher la part de « A », la dévolution des 4 parts de « A » devient caduque. Conformément aux lois provinciales, la part de « A » sera payable aux bénéficiaires survivants, en parts égales. Ainsi, après le décès de « A », « B » aurait 4 parts et « C », 3 parts. La solution au problème de la caducité est de préciser dans la désignation de bénéficiaire qu’en cas de caducité, les survivants recevront une part proportionnelle à la part qui leur est déjà attribuée. Ce n’est pas la meilleure solution, car la plupart des titulaires de contrat nommeront un enfant du bénéficiaire décédé au lieu de demander à ce que le produit soit distribué proportionnellement. Lorsqu’il y a caducité et aucun bénéficiaire survivant, le produit est payable aux ayants droit du titulaire du contrat ou de l’assuré.
Même si on utilise l’expression « par souche » dans la désignation de bénéficiaire, il peut y avoir des problèmes. Cette méthode de répartition est fondée sur le « lignage ». Un groupe ou une catégorie de bénéficiaires reçoit la part qu’un bénéficiaire décédé avant le défunt aurait dû recevoir (par ex., on pourrait lire « à mes enfants en parts égales par souche ». La prudence s’impose lorsque l’on utilise l’expression « par souche » dans la désignation de bénéficiaire. Les tribunaux ont d’ailleurs donné leur opinion quant à l’utilisation de l’expression « par souche » dans l’arrêt Dice v. Dice, 2012, ONCA 468 (CanLII). Ils ont déterminé que le sens de cette expression devait se traduire par l’intention du testateur d’accorder des droits, du moins aux enfants de ses enfants. Toutefois, afin de produire les effets désirés par le titulaire ou par l’assuré, elle doit être utilisée dans son contexte habituel et libellée comme il se doit.
Pour être plus précis, quand on utilise l’expression « par souche », il est important d’utiliser aussi le terme « descendants » qui inclut tous les degrés de descendance, soit les enfants, les petits-enfants, les arrière-petits enfants et ainsi de suite. On devrait combiner les termes « descendants » et « par souche » quand la désignation a pour but de faire bénéficier tous les degrés de descendance. La formulation suivante est appropriée : « diviser le produit de l’assurance entre mes descendants alors en vie en parts égales par souche ». Toute autre formulation est en principe inexacte.
Dans les cas où plusieurs bénéficiaires sont nommés, il faut également prendre en compte la question de la protection contre les créanciers. Lorsqu’un titulaire de contrat désigne comme bénéficiaires des membres de la catégorie des bénéficiaires privilégiés, le contrat devient insaisissable par les créanciers du titulaire. Le titulaire du contrat peut révoquer un bénéficiaire de la catégorie des bénéficiaires privilégiés, pourvu qu’il remplace ce bénéficiaire par une autre personne de cette catégorie. Lorsque le titulaire a plusieurs bénéficiaires de catégories différentes - certains faisant partie de la famille, d’autres pas - on ne peut savoir avec certitude si une règle « deminimis » sera appliquée entraînant ainsi la perte de la protection contre les créanciers. Si le titulaire ne remplace pas le bénéficiaire par un membre de la catégorie des bénéficiaires privilégiés, la protection contre les créanciers sera compromise. En matière de planification, il est toujours préférable de choisir des bénéficiaires faisant partie de la catégorie des bénéficiaires privilégiés.
d) Société nommée bénéficiaire
Lorsqu’une société est désignée à titre de bénéficiaire, le produit d’assurance vie reçu est porté au crédit du compte de dividendes en capital (CDC) de la société. Le CDC est en fait un compte de taxes théorique, et non un compte enregistré dans les registres comptables ou dans les états financiers de la société. Le crédit au CDC correspond au produit du contrat d’assurance vie reçu diminué du coût de base rajusté (CBR) du contrat pour la société. Lorsque le CDC affiche un solde créditeur, un dividende en capital libre d’impôt peut être versé aux actionnaires de la société. Pour connaître d’autres stratégies de planification basées sur le CDC, consultez les numéros de l’Actualité fiscale « Comptabilisation des contrats d’assurance vie et d’assurance maladies graves détenus par des sociétés » et « Le compte de dividendes en capital et l’assurance vie ». Il serait également avisé de lire le numéro Question de droit intitulé « La part de la succession peut-elle dépasser celle qui lui est conférée par la convention d’actionnaires? », dans lequel on montre l’importance d’utiliser un CDC dans une convention entre actionnaires lorsque l’on désire régler l’impôt à payer.
L’un des inconvénients que présente la désignation d’une société comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance est que le produit est assujetti aux revendications des créanciers de cette société.
e) Avantage pour l’actionnaire
Lorsqu’une société détient un contrat d’assurance dont il paie les primes, mais qu’un actionnaire ou une personne apparentée à l’actionnaire est désigné comme bénéficiaire, il peut en découler un avantage imposable en application du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. La question ici est de savoir si le montant ou la valeur de cet avantage doit être basé sur les primes d’assurance vie ou sur le capital-décès reçu par la personne apparentée à l’actionnaire. Dans une interprétation technique publiée en 2004 (no 2004-008190117), l’ARC a confirmé que le montant ou la valeur de l’avantage conféré à l’actionnaire sera basé sur les primes d’assurance vie payées par la société, et non sur le capital-décès prévu par le contrat d’assurance. On peut supposer que le même raisonnement s’appliquerait à un avantage conféré à un employé. Reportez-vous au document FAQ intitulé « Les primes d’assurance vie sont-elles déductibles d’impôt? ».
f) Désignation par voie électronique
Les autorités intègrent lentement les désignations de bénéficiaire par voie électronique dans les lois provinciales sur les assurances (se reporter aux lois sur les assurances de la Colombie-Britannique et de l’Alberta). Dans l’affaire Buckmeyer Estate, 2008, SKQB 141 (CanLII), l’exécuteur testamentaire (ou liquidateur) demandait l’homologation d’un testament et une ordonnance relative à l’effet d’un courriel ultérieur sur la désignation de bénéficiaire d’un contrat d’assurance. Le tribunal a jugé que les parties pertinentes du courriel lu concurremment avec le contrat constituaient clairement une déclaration aux termes de la Loi sur les assurances de la Saskatchewan révoquant la désignation antérieure. Dans l’affaire Kontek v. Golay, 2021 SKQB 220, en Saskatchewan, des photos prises par un proche du titulaire du contrat sur un téléphone cellulaire avant son décès ont été étudiées par le tribunal. Le tribunal a déterminé qu’il n’était pas nécessaire que toutes les exigences formelles soient remplies et qu’il existait suffisamment de renseignements pour modifier une désignation de bénéficiaire.
En Colombie-Britannique, un document peut être fourni par voie électronique conformément à la Electronic Transactions Act, et celle-ci inclut spécifiquement les désignations de bénéficiaire. En Alberta, la loi sur les assurances prévoit que les dossiers d’assurance peuvent être fournis par voie électronique conformément à la Electronic Transactions Act. Sont toutefois exclues les déclarations, à moins qu’elles n’aient été faites a) directement entre l’assureur et l’assuré, et b) en conformité avec les processus approuvés par le surintendant des assurances.
D’un point de vue pratique, il y a encore beaucoup de choses à régler en ce qui a trait aux compagnies d’assurance qui administrent les désignations de bénéficiaire effectuées par voie électronique.
g) Options – Paiement du produit de l’assurance
Le produit de l’assurance versé au bénéficiaire désigné en une somme unique n’est pas toujours souhaitable. Un acte de fiducie formel pourrait être une solution, s’il prévoit des paiements échelonnés. Une autre solution serait de choisir l’option de règlement sous forme de rente, qui peut être offerte par l’assureur. Cette option permet de déterminer les modalités particulières de la rente et de choisir parmi les diverses options quant au paiement et aux périodes garanties. Pour ce faire, il suffit de souscrire un contrat de rente en utilisant le produit de l’assurance. Le formulaire d’option de règlement sous forme de rente peut être envoyé lors de l’établissement du contrat, si les pratiques administratives de l’assureur le permettent. L’option peut aussi être choisie pendant que le contrat est en vigueur et que le titulaire est en vie. Un fiduciaire peut aussi exercer cette option au décès du titulaire si un accord de fiducie ou des dispositions testamentaires l’enjoignent d’administrer le produit de l’assurance ainsi. Pour en savoir plus, consulter le document FAQ intitulé « Quels sont les droits d’un créancier sur l’assurance vie? »
h) Renoncement au produit de l’assurance
Aux termes des lois sur les assurances des provinces de common law, un bénéficiaire peut renoncer au produit d’une assurance en envoyant un avis écrit à cet effet au siège social de l’assureur. L’avis est irrévocable. Lorsqu’une ordonnance du tribunal enlève au bénéficiaire son droit de recevoir le produit de l’assurance, le produit est versé comme si le bénéficiaire devenu inadmissible était décédé avant l’assuré. (Se reporter à l’alinéa 194 (3) (5) de la Loi sur les assurances de l’Ontario).
Qu’est-ce qui peut influer sur une désignation de bénéficiaire?
a) Entente de séparation, jugement de divorce, rupture de mariage
L’ordonnance de jugement de divorce peut contenir des dispositions qui indiquent de quelle façon le contrat d’assurance devrait être traité et qui devrait en être le bénéficiaire. De même, les dispositions contenues dans une entente de séparation peuvent traiter des mêmes sujets. Il peut y avoir souscription d’un contrat d’assurance vie pour couvrir une obligation alimentaire... Pour en savoir plus sur l’obligation alimentaire, consultez le bulletin Actualité fiscale intitulé « Assurance vie et obligations alimentaires ».
Une entente de séparation peut contenir des clauses générales qui empêchent chacun des conjoints de poursuivre la succession de l’autre. Ces dispositions n’ont pas pour effet de révoquer une désignation de bénéficiaire. (Se reporter à l’affaire Gaudio Estate c. Gaudio, 2005, 14574 (ONSC). Cela s’applique aussi aux déclarations (voir l’affaire Conway c. Conway Estate, 2016 CanLII 1448 (ONSC)
La révocation d’un testament entraîne la révocation d’une déclaration, sauf dans les provinces où un mariage n’entraîne pas la révocation d’un testament, soit au Québec, en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario. Dans l’affaire Petch v. Kuivila 2012 ONSC 6131, le défunt avait fait une désignation de bénéficiaire révocable. Il a ensuite rédigé un testament dans lequel il révoquait la désignation antérieure. Le testament a été révoqué par effet de la loi au mariage du défunt. La révocation n’a pas eu comme effet de rétablir la désignation antérieure. La succession est donc devenue admissible à recevoir le produit de l’assurance vie.
Dans l’affaire Birnie c. Birnie, 2019 ONSC 2152, le tribunal a fourni des directives sur ce qui devrait être traité dans un accord de séparation. Lorsqu’il est question d’assurance, le tribunal a indiqué que les points suivants devraient être traités de façon claire et concise :
- Une entente de séparation doit contenir une formulation précise indiquant l’unique but de l’assurance;
- Si l’unique but de l’assurance est de garantir la pension alimentaire, l’entente doit prévoir une disposition de réduction qui prévoit la diminution du montant d’assurance à mesure que baisse le montant de l’obligation alimentaire viagère totale;
- Si une entente de séparation ne précise pas clairement que l’assurance vise à garantir la pension alimentaire ou non, les tribunaux pourraient avoir à se prononcer sur le but du contrat d’assurance. Cela va à l’encontre de l’objectif d’une entente de séparation, qui cherche à résoudre tous les différends du couple.
- les tribunaux pourraient avoir à se prononcer sur le but du contrat d’assurance. Cela va à l’encontre de l’objectif d’une entente de séparation, qui cherche à résoudre tous les différends du couple.
b) Réclamations pour soutien de personnes à charge
Une réclamation pour soutien de personnes à charge peut avoir la priorité sur une désignation de bénéficiaire. La faculté de faire une réclamation pour soutien de personnes à charge dépend des critères stipulés dans les lois provinciales et il incombe à la personne qui présente la réclamation de respecter ces critères. Si la réclamation est accueillie favorablement, une personne à charge peut avoir accès au produit de l’assurance.
Dans l’arrêt Bormans c. Estate of Bormans et al., 2016 ONSC (CanLII), la Cour supérieure de l’Ontario a déclaré que le produit de l’assurance vie est réputé faire partie de la succession aux fins de la demande de soutien pour personne à charge. Dans l’affaire Dagg c. Cameron Estate, 2017 ONCA 366 (CanLII), le tribunal a indiqué que si les personnes à charge ont des intérêts concurrents, la priorité sera accordée à la partie ayant une ordonnance du tribunal. Cependant, tout excédent du capital assuré devrait alors servir au règlement du reste des demandes de soutien pour personne à charge.
c) Dépôt des sommes assurées auprès de la cour
Un assureur peut déposer des sommes assurées auprès de la cour dès qu’il est avisé d’intérêts divergents pouvant provoquer un litige à l’égard de ces sommes. Les dispositions des lois provinciales sur les assurances permettent le dépôt de sommes assurées auprès de la cour (voir l’article 214 de la Loi sur les assurances de l’Ontario). Autrement, l’assureur verse, dans les 30 jours suivant la réception de l’avis de décès, les sommes assurées au bénéficiaire indiqué dans la désignation de bénéficiaire déposée auprès de l’assureur, pourvu que toutes les exigences aient été remplies. (Voir l’article 203 de la Loi sur les assurances de l’Ontario.)
d) Revocation
Le titulaire du contrat peut révoquer par écrit une désignation de bénéficiaire sauf si cette désignation est irrévocable, auquel cas le consentement par écrit du bénéficiaire est exigé. La révocation peut être faite au moyen d’un formulaire de demande de changement de bénéficiaire dûment rempli et envoyé à l’assureur ou d’un acte écrit (un testament par exemple).
e) Rectification
La « doctrine de rectification » est un argument qui peut être retenu par les tribunaux dans certaines situations. Dans l’affaire Love v. Love, 2013 SKCA 31 (CanLII)), la cour d’appel a conclu que dans certaines circonstances il pouvait être approprié de rectifier le changement apporté au formulaire de désignation de bénéficiaire pour lui conférer l’effet juridique voulu.
f) Fiducie réversive
En Colombie-Britannique, dans l’affaire Neufeld v. Neufeld (2004) BCSC 25, le tribunal a indiqué que la loi sur les fiducies réversives pouvait s’appliquer tant aux contrats d’assurance qu’aux contrats de rente, peu importe les dispositions spécifiques contenues dans la loi provinciale applicable. L’affaire Calmusky c. Calmusky, 2020 ONSC (CANLII) a ouvert la porte à un argument possible selon lequel, même avec une désignation de bénéficiaire (dans ce cas-ci, un FERR autre qu’un FERR d’assurance vie), le tribunal peut trouver une fiducie réversive en faveur de la succession. Dans une décision ultérieure – Mak (succession) c. Mak, 2021 ONSC 4415 (Canlii) –, le contraire a été déterminé. Le tribunal n’a pas soutenu l’argument selon lequel une fiducie résultante existait relativement à un FERR. L’affaire Mak est une bonne nouvelle pour les praticiens. L’Association du Barreau de l’Ontario a demandé que la Loi sur les assurances de l’Ontario indique clairement que les désignations de bénéficiaire doivent être faites conformément au contrat et qu’elles ne devraient pas donner lieu à des réclamations de fiducie réversive. Bien que l’affaire Mak soit positive, il existe encore une certaine incertitude quant au caractère sacré des désignations de bénéficiaire. Par conséquent, il est important de documenter l’intention du titulaire du contrat en ce qui concerne la désignation de bénéficiaire au moment où elle est créée ou modifiée.
g) Cession en garantie
La cession en garantie (appelée « hypothèque » au Québec) d’un contrat d’assurance peut influer sur la désignation de bénéficiaire. La plupart des lois provinciales sur les assurances exigent qu’un avis écrit de la cession soit envoyé au siège social ou au bureau principal de l’assureur au Canada. La cession en garantie est conclue entre les parties intéressées (le titulaire de contrat débiteur et le créancier) et les lie aux modalités de la cession. Comme la compagnie d’assurance n’est pas partie à la cession en garantie, elle n’est pas liée par les modalités de la cession. Une cession en garantie crée un intérêt de priorité dans deux cas : d’abord vis-à-vis de tout autre cessionnaire, sauf si le cessionnaire en question a envoyé un préavis, et ensuite vis-à-vis d’un bénéficiaire qui n’est pas un bénéficiaire irrévocable.
Si le document de cession en garantie n’est pas présenté avant la désignation de bénéficiaire irrévocable, la cession n’aura pas la priorité sur la désignation. Prenons l’exemple suivant : « B » cède le contrat en faveur de « A » en juillet, mais envoie l’avis de cession en octobre seulement. En août, « B » fait une désignation de bénéficiaire irrévocable en faveur de « C » et la dépose auprès de l’assureur. La désignation en faveur de « C » a préséance sur les intérêts de « A », car la désignation de bénéficiaire irrévocable a été envoyée en premier à l’assureur.
h) Décès simultanés
La loi sur les assurances de la plupart des provinces prévoit qu’en cas de décès simultané de l’assuré et du bénéficiaire, ou si les circonstances ne permettent pas de déterminer avec certitude qui est décédé en premier, il est présumé que le bénéficiaire est décédé le premier. Dans le cas présent, l’assuré signifie le titulaire du contrat.
Les clauses du contrat doivent être prises en considération pour déterminer si les conditions qui y sont stipulées prévoient les cas de décès simultanés et les droits de survie. En plus de la Loi sur les assurances, les autres lois provinciales peuvent également être appliquées pour établir les droits de survie.
i) Décès d’un bénéficiaire
Comme nous l’avons déjà indiqué, nous recommandons de nommer un bénéficiaire en sous-ordre ou second bénéficiaire pour prévoir les situations où le bénéficiaire principal décède avant l’assuré. En l’absence d’une désignation de second bénéficiaire ou d’instructions dans la désignation concernant la répartition du produit, celui-ci devient payable aux bénéficiaires survivants en parts égales. Lorsqu’il n’y a aucun bénéficiaire survivant, le produit est payable au titulaire ou, si le titulaire est l’assuré, au représentant personnel de la succession du titulaire du contrat. Comme nous l’avons déjà indiqué, lorsqu’un bénéficiaire irrévocable décède, tous les droits au titre du contrat sont également supprimés.
j) Enrichissement injustifié, motif juridique et ententes
Il y a enrichissement injustifié lorsqu’une partie fait valoir avec succès que le versement du produit de l’assurance vie à une partie plutôt qu’à une autre est fait aux dépens de la partie qui ne reçoit pas le produit. Cet argument a été présenté dans l’affaire Moore c. Sweet, 2018 CSC 52. Le mari et la femme ont convenu verbalement que la femme continuerait de payer les primes et qu’elle demeurerait la bénéficiaire révocable. L’ex-conjointe a fait valoir que la conjointe de fait était injustement enrichie par le paiement des primes. L’ex-conjointe a fait valoir que la conjointe de fait était injustement enrichie par le paiement des primes. Par conséquent, le produit a été détenu dans une fiducie par interprétation.
Cette affaire visait également à déterminer s’il y avait un motif juridique de maintenir la désignation irrévocable. Le motif juridique étant que l’ex-conjointe avait droit aux sommes assurées parce que, en vertu de la Loi sur les assurances de l’Ontario, le mari ou titulaire de contrat avait le droit, en vertu de la loi et du contrat, de faire une désignation de bénéficiaire.
Enfin, cette affaire mérite d’être examinée de plus près. Lorsque les parties concluent une entente (dans ce cas, les parties ont convenu que la femme continuerait de payer les primes et d’être le bénéficiaire révocable), le titulaire du contrat ne peut pas modifier librement cette désignation de bénéficiaire parce qu’il est lié par une entente préexistante.
Conclusion
La désignation d’un bénéficiaire exige une mûre réflexion. Il y a plusieurs points à examiner soigneusement et à déterminer pour être certain que le produit de l’assurance vie est versé aux bons bénéficiaires.
Le Service Fiscalité, retraite et planification successorale de Manuvie rédige régulièrement divers articles. Cette équipe, composée de comptables, de conseillers juridiques et de professionnels de l’assurance, fournit des renseignements spécialisés sur des questions touchant le droit, la comptabilité et l’assurance vie, ainsi que des solutions à des problèmes complexes de planification fiscale et successorale.
En publiant ces articles, Manuvie ne s’engage pas à fournir des conseils professionnels d’ordre juridique, comptable ou autre. Pour obtenir ces types de conseils, on aura recours aux services d’un spécialiste.
Ce document est destiné aux conseillers uniquement. Il n’a pas été rédigé à l’intention des clients. Le présent document est protégé par le droit d’auteur. Il ne peut être reproduit sans l’autorisation écrite de Manuvie.