La rente-assurance
Dernière mise à jour : juillet 2023
Introduction
L’une des préoccupations de nombreuses personnes âgées est de maximiser leurs sources de revenu de retraite régulier sans devoir réduire le montant qu’ils destinent à leurs enfants et petits-enfants ou à d’autres personnes à leur décès. Souvent, ils ont recours à des certificats de placement garanti (CPG), des dépôts à terme et autres produits du même genre pour régler le problème. Une meilleure solution pourrait être la rente-assurance.
Une rente-assurance est un concept qui prévoit la souscription de deux contrats : une rente viagère et une assurance vie. La combinaison de ces deux types de contrats crée l’équivalent d’un instrument de placement à rendement fixe immobilisé. L’objectif de cette planification est de procurer un meilleur rendement sur les placements que les instruments de placement à taux fixe non enregistrés traditionnels, tels les CPG, en augmentant les liquidités garanties et en diminuant le revenu imposable, tout en protégeant le capital investi. Parmi les autres avantages qu’offre la rente-assurance, mentionnons la protection contre les créanciers et l’évitement des frais d’homologation, le cas échéant, grâce aux produits d’assurance vie qui permettent la désignation de bénéficiaires.
Son mécanisme
Selon cette planification, un épargnant utilise un montant de capital pour souscrire un contrat de rente qui lui procure des prestations de rente (ou arrérages) sa vie durant. L’épargnant souscrit en plus un contrat d’assurance vie permanente. Normalement, le contrat d’assurance vie comporte un capital-décès égal au montant du capital utilisé pour souscrire la rente, et une partie des arrérages est utilisée au paiement des primes d’assurance vie. Au décès, les arrérages prennent fin d’office (ou ils peuvent continuer d’être versés pendant une certaine période, compte tenu des modalités du contrat) et le capital-décès du contrat d’assurance vie est versé aux ayants droit (ou au bénéficiaire désigné) en remplacement du capital placé initialement. Il en résulte souvent un revenu viager plus élevé pour l’épargnant que celui généré par des placements à taux fixe, ainsi qu’une valeur successorale intacte pour les héritiers.
Des variantes peuvent être apportées à ce scénario. Par exemple, le contrat d’assurance vie peut être provisionné au moyen d’un dépôt unique suffisant pour couvrir toutes les primes d’assurance futures. Les sommes excédentaires seraient placées dans des comptes de placement à taux fixe garanti offerts avec le contrat d’assurance vie. Le montant du capital disponible pour la souscription du contrat de rente serait alors moins élevé, mais il ne serait plus nécessaire de provisionner les primes au moyen des arrérages. Résultat : le revenu après impôt provenant de la rente pourrait servir uniquement de revenu de retraite. Selon l’âge, le sexe et le mode de vie du particulier, cette variante peut procurer à l’épargnant des liquidités après impôts encore plus élevées que la rente-assurance traditionnelle décrite précédemment. À noter que le versement de la totalité d’un dépôt unique compromettrait le statut de « contrat exonéré » au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (« la Loi »). La somme excédant le montant pouvant être versé au contrat sans en compromettre l’exonération serait alors soumise à l’impôt annuel sur le revenu couru jusqu’à ce qu’elle puisse être réintégrée au contrat sans en compromettre l’exonération. Aux fins d’une analyse comparative des avantages des rentes-assurances et des CPG, il serait judicieux de tenir compte de l’impôt sur le revenu couru durant les premières années.
Caractéristiques de la rente
Une rente est un contrat qui prévoit le versement régulier de sommes fixes en contrepartie de l’affectation d’une somme unique à la souscription de la rente. Certaines rentes procurent des versements pendant une période fixe, mais le concept de rente-assurance est basé sur une rente viagère dont les arrérages sont versés jusqu’au décès du rentier. Le versement des arrérages peut être ou ne pas être garanti pour une période déterminée (c.-à-d. que certains contrats prévoient que le versement sera effectué jusqu’à la fin d’une période garantie, même si le rentier décède avant la fin de cette période). La rente utilisée n’est ni rachetable ni transférable, ce qui signifie qu’elle constitue un contrat permanent qui s’applique la vie durant du particulier et qu’elle ne peut être rachetée ou transférée à une autre partie, à titre de don ou contre valeur.
Caractéristiques de l’assurance vie
Aux termes d’une rente-assurance traditionnelle, la souscription d’une assurance vie dans le cadre d’une telle planification vise à garantir que le capital utilisé pour souscrire la rente sera remplacé au décès du particulier. Le capital placé dans la rente sera alors récupéré, d’où le nom de « rente-assurance ». Comme il a déjà été indiqué, les primes du contrat d’assurance vie sont provisionnées à même les arrérages. L’assurance vie doit être permanente, car le besoin d’assurance dure toute la vie de l’épargnant. Le contrat d’assurance vie prévoit souvent des primes garanties qui font en sorte que le titulaire n’a pas à faire face à des fluctuations de prime. En général, il n’est pas nécessaire que le produit d’assurance comporte une valeur de rachat. Comme les arrérages provisionneront les primes pendant toute la vie du particulier, les primes peuvent être structurées de manière à être payables sa vie durant. Dans ce cas, il n’est pas non plus nécessaire de payer les primes à l’avance au cours des premières années du contrat (pour constituer une valeur de rachat) pour que le contrat devienne autosuffisant plus tard.
Un contrat d’assurance vie temporaire à 100 ans ou d’assurance vie universelle à coût uniforme répond habituellement à ces conditions : il prévoit un capital-décès uniforme sans valeur de rachat moyennant un coût annuel uniforme et des primes qui sont payées jusqu’à 100 ans, âge auquel le versement des primes prend habituellement fin alors que la couverture d’assurance demeure en vigueur. L’assurance vie universelle avec coûts annuels renouvelables peut aussi être structurée de manière à ce que son coût soit uniforme ce qui convient bien pour une rente-assurance.
Dans le cadre d’une rente-assurance qui prévoit la souscription d’un contrat d’assurance vie au moyen d’un dépôt unique et la souscription d’une rente viagère, les primes sont « prépayées » au cours des premières années, créant ainsi une valeur de rachat. Dans un tel contexte, on peut utiliser un contrat d’assurance vie universelle avec coût de l’assurance uniforme ou avec coût de l’assurance temporaire renouvelable un an.
Imposition des planifications de rente-assurance
Imposition de la rente
En théorie, une partie de chaque versement d’arrérages correspond au rendement du capital initial placé et le reste, au revenu de placement. En vertu de la Loi, les contrats de rente non enregistrés souscrits après le 12 novembre 1981 sont imposés de deux façons : soit comme contrat de rente prescrit (CRP), soit comme contrat de rente non prescrit. Pour être considéré comme un CRP, le contrat doit satisfaire aux conditions énoncées dans la définition donnée dans le Règlement 304 de la Loi. De nombreuses conditions sont énumérées dans cette définition, et l’une d’entre elles prévoit que le titulaire du contrat doit être un particulier ou certaines fiducies. En conséquence, un contrat de rente dont le titulaire est une société ne peut pas être un CRP.
En général, lorsque la rente-assurance est mise en place pour un particulier, elle est généralement établie à titre de CRP car ce dernier bénéficie d’un traitement fiscal plus avantageux que le contrat de rente non prescrit. Dans le cas d’un CRP, chaque paiement d’arrérages est inclus dans le revenu imposable, conformément à l’alinéa 56(1)d) de la Loi, puis la partie « capital » de la rente est déductible selon l’alinéa 60a). Pour calculer le capital de la rente, on utilise la formule indiquée dans le Règlement 300(1), il en est de même pour tous les arrérages reçus par le contribuable en vertu du contrat. Par conséquent, le CRP est imposé à chaque année comme si le revenu était gagné uniformément durant toute la durée du contrat. On parle alors d’imposition « uniforme ». (Pour en savoir davantage sur les conditions d’admissibilité d’un CRP et sur son imposition, reportez-vous au bulletin Actualité fiscale intitulé « Imposition des contrats de rente prescrits non enregistrés ».)
Avant le 1er janvier 2016, toute fiducie testamentaire pouvait souscrire un CRP en vertu de la section 304(1)c)(iii)(A) du Règlement de l’impôt sur le revenu. Depuis le 1er janvier 2016, cette disposition a été modifiée et seules les fiducies qui ont le statut de fiducie testamentaire en faveur de l’époux ou du conjoint de fait ou de FAPH durant l’année d’imposition au cours de laquelle la rente est établie sont admissibles à souscrire un CRP.
Le règlement modifié permet aussi aux fiducies testamentaires existantes avant le 1er janvier 2016 et dont la rente a été établie avant cette date, de souscrire un CRP et de bénéficier du traitement fiscal des CRP. Bien que les taux progressifs ne s’appliquent plus à la partie imposable de la rente, cette dernière conserve le statut de CRP. (Pour en savoir davantage sur les règles qui régissent les fiducies testamentaires depuis le 1er janvier 2016, consultez les bulletins Actualité fiscale intitulés « Fiducies et assurance vie – Notions de base »).
À l’opposé du CRP, l’imposition d’un contrat de rente non prescrit est fondée sur la comptabilité d’exercice. Les arrérages ne sont pas inclus dans le revenu. À chaque anniversaire annuel du contrat, le revenu produit par celui-ci pour l’année est déterminé et ce montant est inclus dans le revenu du titulaire conformément au paragraphe 12.2(1) de la Loi. Le revenu tiré du contrat est considéré comme l’excédent, s’il en est, du fonds accumulé à l’anniversaire sur le coût de base rajusté de la participation dans le contrat. Pour les CRP établis après 2016, la table de mortalité intitulée Annuity 2000 Basic Mortality Table sera celle utilisée (en lieu et place de la 1971 Individual Annuity Mortality Table). L’utilisation d’une table plus récente entraînera une augmentation du montant total des versements d’arrérages prévus et donc une augmentation de la fraction imposable des arrérages et une diminution de l’élément capital des arrérages d’un CRP. Le fonds accumulé constitue une unité de mesure pour déterminer l’épargne accumulée dans le contrat et il est calculé en conformité avec le Règlement 307 de la Loi. En général, le revenu imposable tiré d’un contrat de rente non prescrit varie d’année en année et diminue généralement par la suite chaque année au fur et à mesure que le « capital » dans le contrat diminue. Comme les contrats de rente dont le titulaire est une société sont, par définition, des contrats de rente non prescrits, lorsque le concept de rente-assurance est mise en place pour une société, le contrat de rente est imposé suivant une comptabilité d’exercice.
En vertu d’un contrat de rente viagère, au décès du rentier, les arrérages cessent d’être versés et le contrat prend fin. Cela entraîne la disposition du contrat. Dans le cas d’un CRP, il n’y a pas de gain ou de perte au titre du contrat, car aucun produit n’est reçu. Par contre, dans le cas d’un contrat de rente non prescrit, la disposition du contrat peut donner lieu à un gain égal à l’excédent du fonds accumulé immédiatement après le décès (alinéa d) de la définition de « produit de disposition » de l’article 148(9) de la Loi) sur le coût de base rajusté du contrat. Ce gain constitue un revenu (et non un gain en capital) et est en fait un « rattrapage » de la valeur d’accroissement pour tout revenu non déclaré produit depuis la date du dernier anniversaire jusqu’à la date du décès.
Imposition de l’assurance vie
Les primes du contrat d’assurance vie souscrit dans le cadre d’une planification de rente-assurance constitueront en général une dépense non déductible pour l’épargnant. Au décès de l’assuré, le capital-décès d’un contrat d’assurance vie exonéré est versé au bénéficiaire en franchise d’impôt (la définition de « disposition » d’un contrat d’assurance vie en vertu du paragraphe 148(9) de la Loi exclut tout paiement effectué au titre d’un contrat d’assurance vie exonéré par suite du décès d’une personne assurée par le contrat). Si le bénéficiaire du contrat est une société privée, la société recevra dans son compte de dividendes en capital un crédit égal à l’excédent du capital-décès sur le coût de base rajusté (CBR) du contrat de la société, conformément à l’alinéa d) de la définition du compte de dividendes en capital au paragraphe 89(1) de la Loi. (Pour en savoir plus sur le compte de dividendes en capital, reportez-vous au bulletin Actualité fiscale intitulé « Le compte de dividendes en capital et l’assurance vie ».) Habituellement, le CBR du type de contrat utilisé pour une planification de rente-assurance est relativement peu élevé et, après plusieurs années, il est réduit à néant. Enfin, normalement une rente-assurance mise en place pour une société sera structurée de manière à ce que la plus grande partie ou la totalité du capital-décès soit versée à un actionnaire en franchise d’impôt. (Pour plus de renseignements sur le CBR, reportez-vous au bulletin Actualité fiscale « Disposition des contrats d’assurance vie ».)
Questions relatives à l’imposition du concept de rente-assurance
Dans le passé, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a indiqué que si les modalités d’un contrat d’assurance vie et d’un contrat de rente faisaient en sorte que l’un ne pouvait pas être établi sans l’autre (surtout si les deux contrats sont établis par le même assureur), elle pourrait considérer ces deux contrats comme étant un seul et même contrat d’assurance vie non exonéré (se reporter à l’interprétation technique no 9606425). Dans ce cas, ce contrat d’assurance vie non exonéré pourrait être soumis à une imposition annuelle. De plus, le CBR du contrat inclurait le CBR des deux contrats, rente et assurance, et en conséquence, le crédit au CDC serait inférieur à ce qu’il serait si les deux contrats étaient distincts.
Il est très peu probable qu’un contrat de rente et un contrat d’assurance vie établis par des assureurs différents soient traités comme s’ils formaient un seul et même contrat. Même si un assureur établit les deux contrats, l’ARC pourrait difficilement réussir à imposer les deux contrats comme étant un seul et unique contrat non exonéré puisque chaque contrat est soumis à une tarification et à une sélection des risques distinctes.
Attributs des placements et risques liés aux concepts de rente-assurance
Une rente-assurance prévoit le versement d’un revenu garanti la vie durant qui peut produire un rendement annuel après impôts accru en comparaison avec d’autres placements garantis à long terme. Cette stratégie de placement conservatrice exige peu ou pas de gestion. Par contre, la rente-assurance est immobilisée la vie durant du titulaire. Si les conditions du marché ou la situation financière du titulaire changeaient radicalement, celui-ci ne pourrait pas annuler sa rente-assurance, sauf peut-être en résiliant la partie assurance vie. En général, le contrat ne permet pas au titulaire de demander le rachat de sa rente.
Comme une rente-assurance constitue un placement viager, elle convient généralement mieux aux personnes âgées de 60 ans et plus. Dans ce cas-là, la durée prévue du placement serait d’environ 25 ans ou moins. Par contre, la rente-assurance ne conviendrait pas à une personne de 30 ans, car la durée du placement pourrait alors être de 50 ans et plus. De plus, comme la rente-assurance réduit le revenu imposable, elle conviendra particulièrement aux personnes qui disposent de fonds non enregistrés à placer qui, autrement, seraient imposées à des taux d’imposition marginaux élevés.
Pour mettre en place un concept de rente-assurance, les personnes doivent être en bonne santé pour pouvoir obtenir l’assurance vie nécessaire. En général, le contrat de rente utilisé dans le cadre d’une telle planification ne peut être « encaissé » ni racheté contre sa valeur. Par conséquent, il sera plus prudent de souscrire le contrat d’assurance vie avant le contrat de rente afin de s’assurer que le rendement du capital placé dans la rente au décès est garanti. De plus, l’établissement du contrat d’assurance vie ne peut pas être conditionnel à la souscription du contrat de rente. Les contrats de rente et d’assurance vie doivent tous deux être souscrits séparément sinon, comme nous l’avons déjà souligné, l’ARC pourrait considérer que le contrat d’assurance vie et le contrat de rente sont un seul et même contrat qui, par conséquent, est non exonéré et assujetti à l’imposition sur le revenu couru.
Concept de rente-assurance mise en place pour une société – Évaluation au décès à des fins fiscales
Le concept de rente-assurance mise en place par une société soulève une autre question d’ordre fiscal : l’évaluation des actions de la société lors de la disposition réputée au décès (paragraphe 70(5) de la Loi). Normalement, dans un tel cas, la société souscrit le contrat de rente et le contrat d’assurance vie sur la tête d’un actionnaire principal. Le paragraphe 70(5) de la Loi prévoit qu’au décès de l’actionnaire, celui-ci a disposé de ses actions dans la société à leur juste valeur marchande immédiatement avant son décès. Le décès de l’actionnaire entraînera également le paiement du produit de l’assurance vie et mettra fin au contrat de rente. D’où la question : quelle est la juste valeur marchande du contrat de rente et du contrat d’assurance vie immédiatement avant le décès? (aux fins de l’évaluation de la valeur des actions de la société au décès, conformément au paragraphe 70(5)?)
Une partie de la réponse se trouve au paragraphe 70(5.3) de la Loi. On y indique que la juste valeur marchande des actions avant le décès « ... est déterminée comme si la juste valeur marchande à ce moment de toute police d’assurance vie stipulant que la vie du contribuable était assurée était égale à la valeur de rachat » du contrat immédiatement avant le décès du contribuable.
Par conséquent, lorsque le contrat d’assurance vie ne comporte aucune valeur de rachat, ce qui est normalement le cas pour les contrats temporaires à 100 ans, on peut se fonder sur le paragraphe 70(5.3) pour dire que le contrat d’assurance vie n’ajoute aucune valeur aux actions de la société lorsque celles-ci sont présumées être vendues immédiatement avant le décès. Si le contrat d’assurance vie comporte une valeur de rachat, celle-ci doit être prise en compte au moment de déterminer la juste valeur marchande des actions.
On ne connaît pas précisément les effets d’une rente viagère sur l’évaluation des actions d’une société privée immédiatement avant le décès du particulier. Selon un courant d’opinions, la rente viagère n’ajoute aucune valeur aux actions de la société. Deux arguments en particulier viennent appuyer cette position.
Selon le premier argument, si la rente viagère n’est ni rachetable ni transférable, la rente ne peut pas être cédée à une autre partie contre valeur. Une façon acceptée d’établir la juste valeur marchande tient compte de la valeur sur laquelle tomberaient normalement d’accord deux parties n’ayant pas un lien de dépendance. Si aucune autre personne ne peut acheter un tel actif, on peut soutenir que sa juste valeur marchande est nulle.
Le second argument est que le paragraphe 138(12) de la Loi stipule qu’un contrat d’assurance vie inclut un contrat de rente. On peut donc considérer que la rente devrait être traitée de la même façon que le contrat d’assurance vie aux fins du paragraphe 70(5.3). Comme la rente n’est généralement pas rachetable (c.-à-d. qu’elle n’a aucune valeur de rachat), au sens du paragraphe 70(5.3) la valeur de la rente devrait être considérée comme nulle.
Comme elle l’a indiqué dans sa lettre d’interprétation technique no 9321275, datée du 20 septembre 1993, l’ARC n’est pas d’accord avec cette interprétation. Selon elle, le paragraphe 70(5.3) ne s’applique pas à un contrat de rente, car, même si celui-ci est considéré comme un contrat d’assurance vie au sens de la Loi, il ne s’agit pas d’un contrat d’assurance vie stipulant que « la vie du contribuable était assurée ». (Même si la formulation du paragraphe a été changée pour « la vie d’un contribuable était assurée », l’ARC semble demeurer sur sa position.)
La question se situe autour de la signification de la « personne dont la vie était assurée ». La Loi ne donne aucune définition de cette expression. La même expression est utilisée dans la Loi sur les assurances, mais on ne la définit pas non plus dans cette loi. L’expression la plus proche que la Loi sur les assurances définit est « l’assurance vie ». Une rente correspondrait à la définition que l’on donne de l’assurance vie dans la Loi sur les assurances, et plusieurs causes de protection contre les créanciers appuient nettement ce point de vue. (Reportez-vous, par exemple, à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ramgotra : Banque Royale du Canada c. la Compagnie d’assurance vie Nord-américaine et Balvir Singh Ramgotra, (1996), 1 S.C.R. 325).
La Loi ne contient pas de définition détaillée du terme « assurance vie »; elle indique seulement que le terme « police d’assurance vie » inclut un contrat de rente (paragraphe 138(12)). La définition de la Loi sur les assurances peut donc constituer la meilleure orientation quant à la manière d’utiliser ces termes dans la Loi. De plus, lorsqu’un contrat de rente est exclu d’une disposition de la Loi qui s’applique aux polices d’assurance vie, l’exclusion est faite en spécifiant expressément que les rentes sont une exception à la règle. (Par exemple, la déduction pour un contrat d’assurance vie utilisé en garantie prévue à l’alinéa 20(1)e.2) de la Loi s’applique précisément à « une police d’assurance vie, sauf un contrat de rente ».)
Dans l’interprétation technique no 2000-0033885, datée du 11 septembre 2000, qui portait sur un autre sujet, l’ARC a également commenté la signification de l’expression « en vertu de laquelle la vie du contribuable était assurée ». Dans cette interprétation, l’ARC indique que pour déterminer si une personne est assurée par un contrat aux fins de l’exclusion du capital-décès de la définition de « disposition », il n’est pas nécessaire que l’assureur prenne en charge un risque de mortalité à l’égard d’une partie ou de la totalité du capital payable.
Tout ceci va à l’encontre du point de vue que l’ARC avait donné dans son interprétation technique de 1993 et dans lequel elle affirmait que la rente n’est pas un contrat d’assurance vie en vertu duquel la vie du (maintenant « d’un ») contribuable était assurée. Tout d’abord, du propre aveu de l’ARC, l’absence d’un risque de mortalité à l’égard d’une prestation payable n’écarte pas la possibilité qu’il y ait une personne assurée en vertu du contrat, ce qui laisse supposer qu’il est du moins possible que le rentier au titre d’un contrat de rente puisse être considéré comme étant une « personne dont la vie était assurée ». Ensuite, les rentes ne sont pas expressément exclues de l’application du paragraphe 70(5.3) de la Loi qui concerne les contrats d’assurance vie. Enfin, si une rente est une assurance vie, tel qu’il est déterminé dans la Loi, cela veut dire qu’il doit y avoir un assuré au titre du contrat – le rentier sans doute.
Il faut également noter que, selon le nouveau paragraphe 70(5.31) de la Loi (adopté dans le cadre du projet de loi C-4, lequel a reçu la sanction royale le 12 décembre 2013), la valeur de la rente au titre d’une rente-assurance à effet de levier est réputée correspondre au capital constitutif de la rente. Dans le cas d’une rente-assurance de société sans effet de levier, il n’est pas clair si l’introduction de cette règle de présomption peut être invoquée pour confirmer que la règle normale (la valeur de la rente correspond autrement à la valeur de rachat selon le paragraphe 70(5.3)) prévaut ou si le commentaire précité de l’ARC doit être pris en compte quand on interprète l’application de la règle normale.
Malgré les arguments mentionnés précédemment, il y a quand même un risque que l’ARC attribue une valeur au contrat de rente et, du même coup, une valeur aux actions immédiatement avant le décès. En déterminant une valeur pour la rente, l’ARC pourrait attribuer une valeur basée sur une estimation de l’espérance de vie du particulier immédiatement avant le décès (sans avoir une connaissance préalable du décès). Ce calcul serait probablement basé sur une estimation de la valeur actuelle des arrérages futurs de la rente. Cette valeur diminuerait avec le temps, tout comme le nombre d’arrérages futurs diminue avec l’âge du particulier. Dans l’interprétation technique no 2011-0409961C6 datée du 8 août 2011, l’ARC a confirmé qu’une méthode d’évaluation semblable a été utilisée pour l’évaluation d’un domaine viager au décès du propriétaire.
Il n’est pas possible d’affirmer avec certitude qu’une rente – dont le titulaire est une société – n’a aucune valeur aux fins de la disposition réputée du paragraphe 70(5) immédiatement avant le décès. Cependant, on peut affirmer que si une valeur est attribuée à un contrat de rente dans une telle situation, au fur et à mesure que le particulier prend de l’âge, la valeur de la rente viagère devrait diminuer. Par conséquent, la juste valeur marchande des actions d’une société privée, le cas échéant, attribuable à la rente aux fins de cette disposition privée devrait également diminuer
Comptabilité appliquée aux rentes-assurances mises en place par une société
Jusqu’ici, nous avons parlé du traitement fiscal des rentes-assurances. Mais il importe aussi de savoir de quelle manière sera traitée la rente-assurance dans les états financiers si elle a été mise en place pour la société. Les sociétés ayant une obligation publique de rendre des comptes au Canada devront adopter les normes internationales d'information financière (IFRS). Les entreprises à capital fermé ont le choix d’adopter soit les IFRS, soit les nouvelles « normes comptables pour les entreprises à capital fermé » (NCECF).
Selon les NCECF, lorsque la société souscrit le contrat de rente, elle l’inscrit au bilan comme un actif dont le montant correspond au capital placé dans la rente. Chaque année, une partie des arrérages tirés du contrat de rente sera inscrite à titre de revenu et l’autre partie, à titre de réduction de l’actif. La répartition entre le revenu et le capital sera déterminée suivant les NCECF en prenant en compte le taux d’intérêt et l’espérance de vie du particulier au moment où l’arrangement est mis en place. Lorsque l’actif est réduit à zéro, par exemple, si le capital de la rente est épuisé avant le décès du rentier, tout arrérage futur tiré du contrat de rente sera inscrit à titre de revenu de la société. Les primes d’assurance serviront à couvrir les dépenses chaque année au fur et à mesure qu’elles seront payées. Au décès, tout solde de la rente inscrit au bilan sera annulé (puisque le contrat prend alors fin) et le produit de l’assurance vie, moins toute valeur comptable relative à l’actif d’assurance, sera inscrit comme revenu de la société.
Selon les IFRS, lorsque la société souscrit la rente, celle-ci constitue un actif financier et la société inscrit au bilan un actif d’un montant égal à la juste valeur de la rente. La juste valeur correspondra habituellement à la contrepartie donnée. Chaque année, une partie des arrérages tirés de la rente sera inscrite à titre de réduction de l'actif. La répartition entre le revenu et le capital de la rente sera basé sur les IFRS en prenant en compte le taux d'intérêt et l'espérance de vie du particulier au moment où l'arrangement est mis en place. De plus, la rente devra être réévaluée à la juste valeur marchande pour chaque période de déclaration. Tout changement dans la valeur devra être inscrit comme revenu. En raison de cette réévaluation annuelle, tant que le rentier est vivant, l’actif ne sera pas réduit à zéro si le capital de la rente est épuisé avant son décès, selon l’espérance de vie établie initialement. Les primes d'assurance seront dépensées chaque année au fur et à mesure qu'elles seront payées. Au décès, tout solde de la rente inscrit au bilan sera annulé (puisque le contrat prend alors fin) et le produit de l'assurance vie, diminué de toute valeur comptable relative à l’actif d’assurance, sera inscrit comme revenu de la société.
Conclusion
La combinaison d’un contrat de rente et d’un contrat d’assurance vie peut être attrayante pour les particuliers âgés qui recherchent un rendement garanti à long terme. Une telle planification peut être mise en place pour une société ou un particulier. Les contrats dont le titulaire est une société peuvent procurer des avantages fiscaux additionnels.
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