Mécanisme de minimisation des pertes et règle des droits acquis
Dernière mise à jour : avril 2020
Introduction
Le 26 avril 1995, des modifications ont été apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu (« la Loi ») concernant la planification successorale et le rachat de parts ou d’actions faisant appel à un contrat (police) d’assurance vie dont le titulaire est une société. Ces modifications ont pour effet de restreindre la perte en capital pouvant être déclarée au titre des actions d’une société lorsque des dividendes en capital libres d’impôt ont été payés au titre de ces actions. On appelle souvent ce mécanisme « règles sur la minimisation des pertes » (à noter que la Loi renferme plusieurs règles sur la « minimisation des pertes » et que celle faisant l’objet du présent document n’en est qu’une parmi tant d’autres). Comme la planification afférente à l’assurance vie de société suppose le recours à un compte de dividendes en capital pour distribuer des dividendes en franchise d’impôt, ces règles s’appliquent souvent lorsque l’assurance vie est souscrite dans le cadre d’une planification successorale et en vue du rachat de parts ou d’actions. Dans le présent bulletin Actualité fiscale, nous expliquons ces règles, présentons des exemples de cas auxquels elles s’appliquent et donnons un aperçu de l’application des anciennes règles (par ex., les droits acquis).
Contexte
Le paragraphe 112(3) de la Loi renferme une règle sur la « minimisation des pertes » applicable aux sociétés par actions. En général, cette règle s’applique lorsqu’une société subit une perte en capital par suite de la disposition d’une action qu’elle détenait dans une autre société. Le montant de la perte est réduit du montant des dividendes non imposables reçus par la société sur l’action, y compris les dividendes en capital. Les modifications apportées en 1995 visaient à étendre l’application de la règle sur la minimisation des pertes aux actions détenues par des particuliers (y compris les fiducies et les successions) et par des sociétés de personnes. Le premier projet de loi portant sur les règles sur la minimisation des pertes a été présenté le 26 avril 1995. Après plusieurs modifications, les règles ont été adoptées en juin 1998. D’autres modifications ont été apportées par la suite pour tenir compte de la réduction du taux d’inclusion des gains en capital, lequel est passé de 75 % à 66 2/3 %, puis à 50 %.
La loi prévoit que la perte en capital subie par un particulier ou une fiducie lors de la disposition d’actions est généralement réduite si des dividendes en capital ont été reçus sur les actions en question. Cette loi a des conséquences importantes sur la structure des conventions de rachat et les techniques de planification successorale qui font appel à l’assurance vie détenue par une société pour racheter les actions en vue de réduire le gain en capital réalisé lors de la disposition présumée des actions d’un actionnaire décédé.
Veuillez noter que le projet de loi C-43 a introduit le concept de « succession assujettie à l’imposition à taux progressifs » (SAITP) et modifié l’impôt payable au décès dans le cas des fiducies au profit du conjoint, des fiducies en faveur de soi‑même et des fiducies mixtes au profit du conjoint (« fiducies viagères »). Pour les années d’imposition postérieures à 2015, la SAITP d’un particulier – qui est une fiducie testamentaire – correspond à la succession ayant commencé à exister au décès du particulier et par suite de ce décès pour une période maximale de 36 mois suivant celui-ci. Il est important de noter que pour les années d’imposition postérieures à 2015, le report rétrospectif de la perte (paragraphe 164(6)) et la « solution des 50 % » s’appliqueront uniquement si la succession est la SAITP du particulier. Dans le cas d’actions d’une société fermée détenues dans une SAITP, le mécanisme de report rétrospectif d’une perte et la solution des 50 % décrits ci-dessous pourraient encore être utilisés. Dans le présent bulletin Actualité fiscale, nous supposons que la succession est admissible en tant que SAITP du particulier. Toute référence à la « succession » devrait être interprétée comme étant la SAITP. Pour en savoir plus à ce sujet, voir, ci-après, le paragraphe ii) intitulé Perte en capital subie par les ayants droit et le bulletin Actualité fiscale intitulé « Fiducies et assurance vie – Notions de base ».
Les paragraphes suivants traitent de ces règles plus en détail.
Règles sur la minimisation des pertes
Les règles proposées concernant la minimisation des pertes s’appliquent à la perte subie lors de la disposition d’actions dans deux situations :
i. Un particulier subit une perte en capital de son vivant;
ii. Les ayants droit d’une personne subissent une perte en capital, par exemple, par suite du rachat des actions d’une société fermée qu’ils détenaient ou de la liquidation de cette société.
Dans chacune des situations ci-dessus, il y a une exception potentielle à la règle de minimisation des pertes (et qui, si elle devait s’appliquer, aurait pour effet de suspendre l’application de la règle). Même s’il existe certaines différences minimes entre le mécanisme de chaque règle d’exception, de façon générale, l’exception s’appliquera dans l’une ou l’autre des situations précitées si les deux conditions suivantes sont respectées :
- L’actionnaire (conjointement avec les personnes qui lui sont liées) possède 5 % ou moins de la catégorie d’actions ouvrant droit au dividende;
- L’action est détenue par l’actionnaire pendant au moins un an.
1. Perte en capital subie du vivant du particulier
La perte que subit un contribuable lors de la disposition d’une action qui fait partie de ses immobilisations est réduite du moins élevé des montants suivants :
- les dividendes en capital reçus sur l’action; ou
- l’excédent de la perte sur les dividendes imposables reçus sur l’action.
En général, si la règle sur la minimisation des pertes s’applique et si le contribuable a reçu des dividendes imposables sur des actions vendues à perte, la réduction de la perte en capital sera moins élevée. Le libellé de la loi indique clairement que les dividendes reçus lors d’un rachat d’actions antérieur ne seraient pas pris en compte à l’égard d’une disposition ultérieure assujettie à la règle sur la minimisation des pertes, car la règle se rapporte à la perte découlant de la disposition d’une action en particulier. Les actions rachetées antérieurement n’existeraient plus. En conséquence, les dividendes reçus sur ces actions n’auraient aucune incidence sur les actions restantes faisant l’objet d’une disposition.
2. Perte en capital subie par les ayants droit
Lorsque les ayants droit d’un particulier disposent des actions qu’ils ont acquises au décès de cette personne, toute perte en capital résultant de la disposition, y compris toute perte présumée être une perte pour le défunt (en vertu du paragraphe 164(6) de la Loi), sera réduite dans la mesure où le moins élevé des montants suivants :
- le dividende en capital reçu par les ayants droit, ou
- la perte en capital moins les dividendes imposables reçus par les ayants droit
excède 50 % du moins élevé des montants suivants :
- le gain en capital du défunt réalisé par suite de la disposition présumée (en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi), ou
- la perte en capital des ayants droit.
La loi stipule clairement que la règle relative aux dividendes imposables reçus et la règle applicable à la perte en capital pour les ayants droit ne s’excluent pas mutuellement. Au contraire, la règle régissant les successions inclut la règle des « dividendes reçus » et la « règle des 50 % » applicable aux successions. Les notes techniques afférentes à la loi confirment que cette règle vise à assurer une certaine forme de justice élémentaire, en reconnaissant dans le fait que la partie non imposable des gains en capital doit pouvoir être transmise aux ayants droit en franchise d’impôt. La loi autorise l’application de la règle des 50 % dans les situations où les actions font l’objet d’une disposition présumée et d’une nouvelle acquisition à titre de biens d’une fiducie en vertu du paragraphe 104(4) de la Loi. Ainsi, dans le cas d’une fiducie viagère, le paragraphe 112(3.3) prévoit une règle des 50 % équivalente à celle qui s’applique à une succession en ce qui a trait aux actions ayant fait l’objet d’une disposition présumée au décès du bénéficiaire de la fiducie viagère.
Ces règles influent sur la structure de bon nombre de programmes successoraux qui ont recours à l’assurance vie détenue par une société pour provisionner le rachat des actions ou la liquidation d’une société dont l’actif comprend un contrat d’assurance vie.
Il importe de noter que, pour les années d’imposition postérieures à 2015, la règle des 50 % applicable à la succession (et, bien entendu, le report de rétrospectif de la perte prévu au paragraphe 164(6)) ne s’appliquera que si la succession correspond à la SAITP du particulier. Par conséquent, les exemples présument que la succession est bien la SAITP.
Une proposition législative rendue publique le 15 janvier 2016 et adoptée dans la deuxième loi d’exécution du budget de 2016 permet aux fiducies viagères d’appliquer la règle des 50 %. Ainsi, aux termes du paragraphe 104(13.4), une fin d’année d’imposition est réputée survenir à la fin du jour du décès du bénéficiaire de la fiducie viagère, et les modifications apportées à la loi font en sorte que le revenu réalisé à la disposition présumée au décès est payable au bénéficiaire de la fiducie viagère (et, en conséquence, reporté dans la déclaration de revenus finale du défunt bénéficiaire de la fiducie viagère) uniquement dans les cas particuliers où un tel traitement est choisi. Dans tous les autres cas, le revenu est déclaré par la fiducie. La planification du report rétrospectif de la perte (et la non-application concomitante des dispositions relatives à la minimisation des pertes conformément à la règle des 50 %) est fondée sur le revenu déclaré à la fiducie. Pour les années d’imposition à compter de 2016, les fiducies viagères pourront avoir recours au mécanisme de report rétrospectif d’une perte et à la solution des 50 % aux fins de planification. (Toutefois, d’autres règles de minimisation des pertes [c.-à-d. les « règles de minimisation des pertes liées » prévues aux paragraphes 40(3.3) et (3.4)] pourraient s’appliquer.)
Conséquences sur les conventions de rachat
Une des techniques bien connues utilisées lors de l’établissement de conventions de rachat consiste à inclure dans le plan de transmission de la société une assurance vie détenue par la société, dont le produit sera affecté au rachat des actions de l’actionnaire décédé. Pour une analyse complète et détaillée des conséquences fiscales découlant du rachat d’actions par une société, veuillez vous reporter au bulletin Actualité fiscale intitulé « Conventions de rachat d’actions - Méthode du rachat des actions par la société ».
Dans le cas d’une telle convention de rachat, l’actionnaire décédé est réputé (en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi) avoir disposé de ses actions à leur juste valeur marchande immédiatement avant son décès et tout gain en capital découlant de cette disposition doit être inscrit dans sa déclaration de revenus finale. Les actions sont alors réputées être acquises par les ayants droit de l’actionnaire décédé à un PBR égal au produit réputé avoir été reçu au décès de l’actionnaire (c.-à-d. la juste valeur marchande immédiatement avant le décès). La société peut alors racheter les actions de la succession et faire le choix de traiter le plein montant du dividende réputé au rachat (paragraphe 84(3) de la Loi) comme un dividende en capital versé à partir du compte de dividendes en capital (« CDC »), jusqu’à concurrence du solde du CDC. La somme portée au crédit du CDC représente, entre autres, le produit d’assurance vie en excédent du coût de base rajusté du contrat d’assurance dont la société est bénéficiaire (alinéa d) de la définition du « compte de dividendes en capital » du paragraphe 89(1) de la Loi). Les ayants droit reçoivent alors le dividende en capital libre d’impôt.
Le rachat des actions de la succession (ayants droit) de l’actionnaire décédé est également traité comme une disposition des actions du point de vue fiscal. Le produit de disposition est réduit du montant du dividende réputé (alinéa j) de la définition du « produit de disposition » de l’article 54). Il peut en résulter une perte en capital pour la succession qui (si cette perte est réalisée au cours de la première année d’imposition de la succession) peut être reportée rétrospectivement afin d’éliminer tout gain inscrit dans la déclaration de revenus finale (paragraphe 164(6) de la Loi). Résultat, s’il existe dans un CDC un solde égal au montant total du rachat, en l’absence de toute autre règle il n’y a pas d’impôt à payer pour la succession ni pour l’actionnaire décédé.
Cependant, en vertu des règles sur la minimisation des pertes, la perte en capital subie par la succession peut être réduite lorsque celle-ci reçoit des dividendes en capital francs d’impôt. Il en résultera un montant plus élevé d’impôt payable soit par l’actionnaire décédé (résultant d’un gain en capital plus élevé) soit par la succession (pour les dividendes imposables reçus). Les règles peuvent également donner lieu à une double imposition puisque le rachat des actions du défunt ne modifie pas le PBR des actions des actionnaires survivants. En conséquence, lorsque les actionnaires survivants disposent de leurs actions, ils peuvent aussi devoir payer l’impôt sur une valeur identique.
L’exemple suivant montre les effets des règles sur la minimisation des pertes.
Exemple 1
Monsieur X et Monsieur Y possèdent chacun 50 % des actions d’Exploitante ltée. Celle-ci est titulaire d’un contrat d’assurance vie de 1 000 000 $ sur la tête de Monsieur X et de 1 000 000 $ sur la tête de Monsieur Y. Leur convention entre actionnaires prévoit le rachat des actions par la société au décès. Monsieur X décède, et la juste valeur marchande de ses actions s’élève à 1 000 000 $. Les actions ont un PBR et un capital versé symbolique. Par suite du versement du capital-décès, une somme de 1 000 000 $ est portée au crédit du compte de dividendes en capital d’Exploitante ltée (on présume que le CBR (coût de base rajusté) du contrat d’assurance est nul immédiatement avant le décès de Monsieur X).
a. Décès de Monsieur X – Disposition présumée des actions au décès (par. 70(5)) :
Produit de la disposition présumé | 1 000 000 $ |
PBR | 0 |
Gain en capital pour Monsieur X | 1 000 000 $ |
b. Rachat des actions de la succession de Monsieur X :
Produit du rachat | 1 000 000 $ |
Capital versé | 0 |
Dividende réputé (par. 84(3)) | 1 000 000 $ |
Produit de la disposition | 1 000 000 $ |
Dividende réputé | (1 000 000) |
Produit rajusté (art. 54) | 0 |
PBR (transmis à la JVM par Monsieur X) | (1 000 000) |
Perte en capital avant l’application du par. 112(3.2) | (1 000 000) $ |
Scénario 1. – La société fait le choix de traiter le dividende réputé au rachat, soit 1 000 000 $, comme un dividende en capital.
Avant les règles sur la minimisation des pertes | Après les règles sur la minimisation des pertes | ||
Le moins élevé des montants suivants : |
|||
i) Dividende en capital reçu par la succession | 1 000 000 $ | ||
ii) Perte en capital moins dividendes imposables reçus par la succession |
1 000 000 | 1 000 000 $ | |
Moins 50 % du moins élevé des montants suivants : | |||
i) Gain en capital du défunt | 1 000 000 | ||
ii) Perte en capital de la succession | 1 000 000 | (500 000) | |
Réduction de la perte en capital | S.O. | 500 000 $ | |
Perte en capital | 1 000 000 $ | 1 000 000 $ | |
Réduction (montant reporté) | S.O. | (500 000) | |
Perte en capital disponible après l’application du par. 112(3.2) pour report rétrospectif dans la déclaration de revenus finale (par. 164(6)) |
1 000 000 $ | 500 000 $ | |
Incidence fiscale nette : | |||
Gain en capital pour Monsieur X | 0 | 500 000 $ | |
Dividende imposable | 0 | 0 | |
Impôt sur le dividende à 27 % | 0 | 135 000 $ | |
Compte de dividendes en capital qui demeure dans la société | 0 | 0 |
Dans ce scénario, la société a perdu 500 000 $ sur le CDC puisque la perte en capital disponible, à reporter rétrospectivement sur la déclaration de revenus finale de l’actionnaire décédé, a été réduite, ce qui donne un gain imposable de 500 000 $ et un impôt d’environ 135 000 $.
Scénario 2.– La « règle des 50 % » – La société fait le choix de déclarer un dividende en capital égal à 50 % (500 000 $) du gain en capital :
Avant les règles sur la minimisation des pertes | Après les règles sur la minimisation des pertes | ||
Le moins élevé des montants suivants : | |||
i) Dividende en capital reçu par la succession | 500 000 $ | ||
ii) Perte en capital moins dividendes imposables reçus par la succession |
500 000 | 500 000 $ | |
Moins 50 % du moins élevé des montants suivants : | |||
i) Gain en capital du défunt | 1 000 000 | ||
ii) Perte en capital de la succession | 1 000 000 | (500 000) | |
Réduction de la perte en capital | S.O. | 0 | |
Perte en capital | 1 000 000 $ | 1 000 000 $ | |
Réduction (montant reporté) | S.O. | 0 | |
Perte en capital disponible après l’application du par. 112(3.2) pour report rétrospectif dans la déclaration de revenus finale (par. 164(6)) |
1 000 000 $ | 1 000 000 $ | |
Incidence fiscale nette : | |||
Gain en capital pour Monsieur X | 0 | 0 | |
Dividende imposable | 0 | 500 000 $ | |
Impôt sur le dividende à 45 % | 0 | 225 000 $ | |
Compte de dividendes en capital qui demeure dans la société | 0 | 500 000 $ |
Dans ce second scénario, la société fait le choix de déclarer un dividende en capital égal à 50 % du gain en capital, ce qui annule toute réduction de la perte en capital. Par rapport au premier scénario, Monsieur X se retrouve avec un dividende imposable au lieu d’un gain en capital imposable, ce qui donne un montant d’impôt à payer plus élevé. Cependant, la société a toujours un solde de 500 000 $ dans le CDC, montant qui peut servir à payer un dividende aux actionnaires survivants, en franchise d’impôt. Comme aucune disposition ne prévoit le fractionnement d’un dividende en dividende en capital et en dividende imposable, des mesures spéciales doivent être prises pour que le choix approprié soit fait relativement au dividende en capital. (À noter que les résultats de la colonne « Avant l’application des règles sur la minimisation des pertes » supposent qu’on a fait le choix de traiter le plein montant du dividende réputé comme un dividende en capital.) Pour en savoir plus sur la façon de créer à la fois un dividende en capital et un dividende imposable, consultez la section « Éléments à considérer lorsque le crédit au CDC utilisé est inférieur au plein montant du rachat » du bulletin Actualité fiscale intitulé « Conventions de rachat d’actions – Méthode hybride » ou le bulletin Actualité fiscale intitulé « Planification post-mortem et planification de rachat – Quand le solde du compte de dividendes en capital est inférieur au montant du rachat ».
Clauses des droits acquis
La loi renferme généralement trois principales clauses de droits acquis qui prévoient le maintien des anciennes règles en cas de disposition d’actions qui étaient détenues par un particulier le 26 avril 1995 (pas de réduction de la perte en capital et, par conséquent, pas d’impôt pour le défunt ni pour la succession).
1. Conventions existantes
La protection des droits acquis est offerte dans le cas d’actions qui font l’objet d’une disposition en vertu d’une convention écrite conclue avant le 27 avril 1995. Par conséquent, une perte en capital résultant d’un rachat d’actions conformément à une telle convention serait régie par les anciennes règles si l’assurance vie provisionnait une convention existante conclue le ou avant le 26 avril 1995.
Des modifications apportées à une convention qui existait le 26 avril 1995 peuvent faire en sorte que les actions ne soient plus considérées comme ayant des droits acquis. L’Agence du revenu du Canada (ARC) a indiqué que lorsqu’une convention existante était modifiée de telle sorte qu’elle constituait un nouveau document, les droits acquis étaient alors perdus (consultez le bulletin Impôt sur le revenu – Nouvelles techniques no 12, daté du 11 février 1998, archivé). Pour déterminer si de telles modifications constituent une nouvelle convention, il faut tenir compte des faits pour chaque cas en se basant sur les principes de la common law (ou du Code civil, au Québec).
L’ARC a précisé que l’ajout d’un nouvel actionnaire serait considéré comme une modification de convention suffisamment importante pour causer la perte des droits acquis (reportez-vous à la lettre d’interprétation technique 2005-0145111E5).
Dans une autre lettre d’interprétation technique (2005-0136041E5), l’ARC déclare que lorsque les parties initiales à la convention bénéficiant de la protection des droits acquis révisent les modalités de leurs relations l’une avec l’autre en concluant une convention distincte qui fait en sorte que la convention existante demeure inchangée, les actions de régime transitoire conservent la protection des droits acquis. Cependant, si la convention distincte est considérée comme résiliant, invalidant ou remplaçant la convention existante qui bénéficie de la protection des droits acquis, les actions perdent cette protection des droits acquis.
Dans le cas des conventions écrites en vigueur le 26 avril 1995, on peut souscrire une assurance ou augmenter le montant de l’assurance afin de provisionner la convention tout en respectant les règles des droits acquis. Comme ce provisionnement n’est pas assujetti à des limites de temps, on peut le faire à tout moment.
2. Assurance existante
La protection des droits acquis est également offerte pour les actions détenues le 26 avril 1995 :
- si les actions étaient détenues le 26 avril 1995 par un particulier, son conjoint ou une fiducie dont un particulier était le bénéficiaire;
- si une société était bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie le 26 avril 1995;
- si le contribuable ou son conjoint était l’assuré au titre du contrat;
- s’il était raisonnable de conclure le 26 avril 1995 que le contrat d’assurance vie avait pour principal objet de financer, directement ou indirectement, en tout ou en partie, le rachat, l’acquisition ou l’annulation des actions;
- si la disposition des actions est effectuée par le particulier, son époux ou son conjoint de fait, la succession du particulier ou de son époux ou son conjoint de fait (au cours de la première année d’imposition de la succession) ou par certaines fiducies au bénéfice du conjoint, fiducies au profit de l’époux ou conjoint de fait (en common law), fiducies en faveur de soi-même et fiducies mixtes au bénéfice du conjoint.
À noter que l’ajout des fiducies au profit de l’époux ou conjoint de fait (en common law), fiducies en faveur de soimême et fiducies mixtes au bénéfice du conjoint au paragraphe (v) ci-dessus s’applique à l’année 2000 et aux années d’imposition suivantes.
Il était stipulé dans les versions antérieures du projet de loi qu’une convention de rachat d’actions devait être mise en place dans un certain délai pour que la protection des droits acquis soit offerte. Bien que cette exigence ait été éliminée, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles une convention écrite de rachat doit être mise en place.
Les notes explicatives de la loi clarifient cette règle des droits acquis. Premièrement, il n’est pas nécessaire que les actions faisant l’objet d’une disposition soient des actions de la société qui est le bénéficiaire du contrat. Autrement dit, l’actionnaire de Holding ltée serait admissible à la protection des droits acquis à l’égard d’une disposition des actions de Holding ltée s’il y avait une convention de rachat aux termes de laquelle Exploitante ltée est bénéficiaire de l’assurance, si l’un des principaux objectifs du contrat (de la police) était de financer le rachat des actions de Holding ltée, et si le but était d’utiliser le capital-décès du contrat (versé à Holding ltée) pour acquérir les actions du contribuable décédé.
Deuxièmement, ces notes explicatives précisent ce qui suit : « Il n’est pas nécessaire que les actions soient acquises avec le produit de la police d’assurance vie qui était en vigueur le 26 avril 1995. Ainsi, les polices peuvent être renouvelées, converties, remplacées ou conclues après le 26 avril 1995 sans nécessairement éliminer l’application de ces dispositions transitoires. » Cette disposition peut avoir une portée extrêmement vaste. Par exemple, si la société était bénéficiaire, le 26 avril 1995, d’un contrat d’assurance temporaire provisionnant une convention de rachat, on pourrait transformer l’assurance temporaire en assurance permanente sans compromettre l’application de la clause des droits acquis. Il semble également qu’on puisse souscrire, après le 26 avril 1995, une couverture d’assurance vie additionnelle ou des contrats de remplacement pour provisionner une convention de rachat, sans mettre fin à l’application des clauses des droits acquis. La clause des droits acquis permet aussi des contrats sur deux têtes, avec capital-décès payable au second décès, couvrant le contribuable et son conjoint.
3. Décès et disposition avant 1997
La protection des droits acquis était également offerte dans le cas des actions dont le contribuable était propriétaire le 26 avril 1995 s’il décédait après cette date et si sa succession disposait des actions avant 1997. De plus, la succession pouvait effectuer des dispositions avant 1997, et la protection des droits acquis était accordée pour les actions que possédait le défunt le 26 avril 1995 si la première année d’imposition de la succession prenait fin après le 26 avril 1995.
Règles régissant la substitution d’actions
Selon la législation, si une action est acquise en remplacement d’une autre action conformément à certaines dispositions précises de la Loi, la nouvelle action est présumée être la même que l’ancienne aux fins des clauses des droits acquis. La législation contient une anomalie en ce que cette disposition déterminative s’applique à la clause de protection des droits acquis seulement lorsqu’une assurance vie est en vigueur le 26 avril 1995, mais pas lorsqu’une convention est en place le 26 avril 1995. Par conséquent, si les actions d’un particulier jouissent des dispositions transitoires du fait qu’une convention écrite était en vigueur avant le 27 avril 1995 (si aucune assurance n’est en vigueur le 26 avril 1995), toute restructuration future en vue de créer une société de portefeuille compromettra la protection des droits acquis. L’ARC a confirmé cette position concernant un transfert en vertu de l’article 85 de la Loi dans les interprétations fiscales nos 9916175 (publiée le 13 juillet 1999) et 2011-0399401C6. Toutefois, un particulier pourrait créer une société de portefeuille sans compromettre la protection des droits acquis en veillant à ce que la société d’exploitation incorpore une filiale et transfère à celle-ci la totalité des actifs d’exploitation de la société. En réalité, la société d’exploitation deviendrait la société de portefeuille et les actions de la nouvelle société de portefeuille seraient toujours protégées en vertu de la clause des droits acquis.
De plus, l’ARC a émis des commentaires sur la fusion de sociétés dans sa lettre d’interprétation technique no 2000-014325, datée du 7 juillet 2000. Pour l’ARC, aussi longtemps qu’il existe un contrat d’assurance vie qui respecte les conditions relatives aux droits acquis énumérées au paragraphe 112(3) et que la fusion satisfait aux exigences du paragraphe 87(1), une action ordinaire de la société fusionnée sera réputée correspondre à une action ordinaire de l’ancienne société d’exploitation. En conséquence, les actions ordinaires de la société fusionnée attribuables aux actions de l’ancienne société d’exploitation bénéficieront des droits acquis aux fins des règles sur la minimisation des pertes du paragraphe 112(3).
Dans son interprétation technique no 2003-0013545, datée du 6 mai 2003, l’ARC a confirmé que les actions émises à la suite d’un fractionnement d’actions bénéficieraient également de droits acquis si les actions initiales étaient conformes aux exigences relatives aux droits acquis. Cependant, les actions privilégiées reçues à titre de dividende en actions sur des actions avec droits acquis ne bénéficieraient pas de droits acquis (interprétation technique no 2004-0088801E5, datée du 23 septembre 2004).
Structure évitant l’application des règles sur la minimisation des pertes
1. Transfert au conjoint en franchise d’impôt (roulement)
Dans l’exemple ci-dessus, si les actions avaient été transférées au conjoint de l’actionnaire décédé, puis rachetées par la société, il n’y aurait pas eu d’impôt à payer au nom du défunt et le conjoint survivant n’aurait pas eu à payer d’impôt sur le dividende réputé (versé à titre de dividende en capital) découlant du rachat des actions.
Si un particulier indique dans son testament que ses actions doivent être transférées à son époux ou conjoint de fait à son décès, le paragraphe 70(6) de la Loi permet le transfert d’actions en franchise d’impôt à l’époux ou conjoint de fait survivant. Le défunt est présumé avoir disposé de ses actions au prix de base rajusté (PBR) et le conjoint survivant les avoir acquises à ce prix. La société peut alors racheter ces actions du conjoint survivant.
Effets du transfert en franchise d’impôt au conjoint et du rachat des actions par la société
a. Pour le défunt :
Transfert des actions au conjoint au PBR de 0 $ (par. 70(6)); aucun gain en capital à inscrire sur la déclaration de revenus finale du défunt.
b. Pour le conjoint survivant :
Produit du rachat (par. 84(3)) | 1 000 000 $ |
Capital versé | 0 |
Dividende présumé (reçu comme dividende en capital libre d’impôt en vertu du par. 83(2)) | 1 000 000 $ |
Produit de la disposition | 1 000 000 $ |
Dividende réputé | (1 000 000) |
Produit rajusté (art. 54) | 0 |
PBR (par. 70(6)) | 0 |
Perte en capital | 0 |
Cette méthode utilisée dans le cadre d’un rachat d’actions pose un problème en ce que la convention de rachat des actions ne peut comporter une clause de rachat obligatoire. Le paragraphe 70(6) de la Loi stipule qu’il peut y avoir au décès roulement d’un bien au conjoint survivant s’il est démontré que ce bien a été « dévolu irrévocablement » au conjoint au cours des 36 mois suivant le décès. Les actions ne sauraient être considérées comme ayant été dévolues irrévocablement si la convention de rachat comporte une clause de rachat obligatoire. Le conjoint de l’actionnaire décédé devrait alors participer aux activités de la société après le décès. Cela contrevient à un objectif fondamental de la convention de rachat, celui d’éviter de devoir traiter avec le conjoint d’un actionnaire après le décès de ce dernier.
Pour contourner le problème de dévolution, on peut inclure une clause de « double option réciproque » où le conjoint survivant a la possibilité de vendre les actions à la société et celle-ci a l’option de les racheter du conjoint. Comme la vente des actions n’est obligatoire que si l’option est exercée, elles peuvent être considérées comme étant dévolues irrévocablement au conjoint.
2. Recours à une société de portefeuille
Une autre manière d’éviter le problème de dévolution est de conserver la propriété de la société d’exploitation en faisant appel à des sociétés de portefeuille. Ces sociétés concluent une entente entre actionnaires avec la société d’exploitation prévoyant un rachat d’actions. Cette dernière est à la fois titulaire et bénéficiaire du contrat d’assurance vie souscrit sur la tête des actionnaires principaux des sociétés de portefeuille.
Au décès d’un actionnaire d’une des sociétés de portefeuille, les actions de la société sont transférées au conjoint du défunt, en franchise d’impôt, conformément au paragraphe 70(6) de la Loi, qui permet le roulement des actions à leur PBR.
La société d’exploitation reçoit alors le produit de l’assurance vie en franchise d’impôt, rachète les actions détenues par la société de portefeuille et demande à ce que le dividende réputé au rachat soit traité comme un dividende en capital provenant du CDC (créé par le produit de l’assurance vie en excédent du CBR du contrat). Le dividende en capital est versé en franchise d’impôt à la société de portefeuille et porté au crédit de son CDC. La société de portefeuille peut alors être liquidée et le dividende réputé à la liquidation est traité comme un dividende en capital provenant du CDC. (Nota : Nous avons supposé que le solde disponible dans le CDC d’Opco est égal à la valeur des actions détenues par la société de portefeuille). Si tel n’est pas le cas, une partie du dividende au rachat peut être traité comme un gain en capital dans la société de portefeuille, conformément au paragraphe 55(2) de la Loi.)
Reprenons notre exemple ci-dessus et supposons que Monsieur X restructure son portefeuille d’actions en transférant en franchise d’impôt ses actions de la société d’exploitation dans une société de portefeuille et obtienne des actions ordinaires de la société de portefeuille en contrepartie du transfert. Cette opération peut être effectuée sans impact fiscal immédiat, conformément au paragraphe 85(1) de la Loi. Les actions de la société de portefeuille ont une juste 10 valeur marchande de 1 000 000 $, un PBR et un capital versé symboliques.
Effets du roulement au conjoint en franchise d’impôt et du rachat des actions de la société de portefeuille
a. Pour le défunt :
Les actions de la société de portefeuille sont transférées au conjoint au PBR de 0 $ (par. 70(6)); il n’y a pas de gain en capital à inscrire sur la déclaration de revenus finale du défunt.
b. Pour la société de portefeuille :
Produit du rachat (par. 84(3)) | 1 000 000 $ |
Capital versé | 0 |
Dividende présumé (reçu comme dividende en capital libre d’impôt en vertu du par. 83(2)) | 1 000 000 $ |
Produit de la disposition | 1 000 000 $ |
Dividende réputé | (1 000 000) |
Produit rajusté (art. 54) | 0 |
PBR | 0 |
Perte en capital | 0 |
c. Pour le conjoint survivant :
Fonds disponibles pour la distribution lors de la liquidation de la société de portefeuille | 1 000 000 $ |
Capital versé | 0 |
Dividende réputé (par. 84(2))(reçu comme dividende en capital libre d’impôt en vertu du par. 83(2)) | 1 000 000 $ |
Produit de la disposition | 1 000 000 $ |
Dividende réputé | (1 000 000) |
Produit rajusté (art. 54) | 0 |
Moins le prix de base rajusté (par. 70(6)) | 0 |
Perte en capital | 0 |
Formules proposées pour les conventions de rachat
Établir une convention de rachat financée à l’aide d’une assurance détenue par une société comporte des avantages. Lorsque le taux d’imposition de la société est inférieur à celui des actionnaires, il est plus avantageux que ce soit la société qui soit titulaire du contrat et paie les primes plutôt que les actionnaires. Afin d’éviter une double imposition en vertu de la règle sur la minimisation des pertes, la personne désignée dans la convention vend les actions de l’actionnaire décédé aux actionnaires survivants sur remise d’un billet à ordre. La société paie alors le produit de l’assurance vie à même le CDC aux actionnaires survivants pour pouvoir racheter les actions du défunt. Bien que les ayants droit du défunt soient tenus de payer l’impôt sur le gain en capital (comme ce serait le cas si la règle sur la minimisation des pertes s’appliquait), les actionnaires survivants bénéficient d’une augmentation du PBR de leurs actions.
Il est recommandé de structurer les nouvelles conventions de rachat en faisant appel à la méthode hybride. Celle-ci prend en compte la méthode du billet à ordre et la méthode du rachat des actions par la société. Suivant la méthode hybride, la personne désignée dans la convention (habituellement le liquidateur (ou l’exécuteur testamentaire) de la succession de l’actionnaire décédé) détermine le nombre d’actions qui devront être achetées par les actionnaires survivants en vertu de la méthode du billet à ordre, et le nombre d’actions qui devront être rachetées selon la méthode de rachat par la société. Pour une analyse complète et détaillée des conséquences fiscales liées aux méthodes de rachat au moyen d’un billet à ordre, méthode de rachat par la société et méthode hybride utilisées pour le provisionnement d’une convention de rachat d’actions, reportez-vous aux bulletins Actualité fiscale intitulés « Conventions de rachat d’actions – Méthode du billet à ordre », « Conventions de rachat d’actions – Méthode du rachat des actions par la société » et « Conventions de rachat d’actions – Méthode hybride ».
Conclusion
Il est important de bien peser les conséquences éventuelles des règles sur la minimisation des pertes sur les conventions de rachat et les planifications successorales.
Le Service Fiscalité, retraite et planification successorale de Manuvie rédige régulièrement divers articles. Cette unité se compose de comptables, d’avocats et de professionnels de l’assurance qui fournissent des renseignements spécialisés sur des sujets portant sur la fiscalité, la comptabilité et l’assurance vie, en relation avec des solutions avancées de planification fiscale et successorale.
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