Épisode 2 : La crise de l’épuisement professionnel : combien de temps peut-on fonctionner à plein régime?
1 septembre, 2023 | 26 mins
Joignez-vous à notre animatrice, Jennifer Botteril, à l’occasion d’une discussion avec la Dre Susan Biali Haas, médecin et experte en santé et bien-être, de Vancouver (Colombie-Britannique). Dans cet épisode, on vous parlera de l’épuisement professionnel, des indices permettant de le reconnaître et des moyens à prendre pour le prévenir et le surmonter.
Remarque : tous les balados ont été enregistrés en anglais seulement.
Episode transcript
Présentateur :
Vous écoutez la série de balados Au-delà de l’âge.
Jennifer Botterill :
Bonjour et bienvenue à Au-delà de l’âge, un balado exclusif de Manuvie… Manuvie a à cœur le bien-être physique, mental et financier des Canadiens et des Canadiennes. Dans cette série de balados, nous discutons avec des spécialistes du secteur pour faire la lumière sur la santé globale et le vieillissement. L’idée : vous aider à vivre plus longtemps et en meilleure santé, quel que soit votre âge. Je suis votre animatrice, Jennifer Botterill, et je reçois aujourd’hui la docteure Susan Biali Haas, médecin, conférencière, auteure et experte en santé mentale qui s’intéresse à la prévention de l’épuisement professionnel. Susan vit à Vancouver, en Colombie-Britannique, et nous parlera de la crise de l’épuisement professionnel. Bienvenue, Susan.
Dre Susan Biali Haas :
Merci beaucoup, Jennifer. Je suis très heureuse d’être ici.
Jennifer Botterill :
Fantastique. Pour commencer, est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus sur vous et sur ce qui vous a amenée à vous engager dans ce domaine?
Dre Susan Biali Haas :
Oui. Je suis médecin de formation, et j’ai travaillé pendant 20 ans en médecine générale. Ce n’est que dans les dernières années que j’ai commencé à travailler à temps plein en santé mentale et en prévention de l’épuisement professionnel. Mais je m’intéresse à ce sujet depuis très longtemps. Tout a réellement commencé pendant ma résidence en médecine d’urgence. Juste après mes études en médecine, j’ai sombré dans une grave dépression et ce n’est que plus tard que j’ai compris que ce n’était pas une simple dépression : j’avais souffert d’un épuisement professionnel aigu. Je suis alors devenue très intéressée par ce sujet. J’ai voulu comprendre ce qui m’était arrivé et, si possible, comment je pouvais empêcher que ça se reproduise. Et plus j’en apprenais sur la santé mentale en général et sur la prévention de l’épuisement professionnel, plus je voulais consacrer ma carrière à sensibiliser le plus de gens possible à cet enjeu et aux façons d’améliorer leur résilience et de se prendre en main.
Jennifer Botterill :
Absolument. On est nombreux à vouloir apprendre à gérer notre santé, notre énergie et notre bien-être global. Et il y a peut-être beaucoup de gens qui ne savent pas ce qu’est l’épuisement professionnel. Est-ce que vous pouvez nous aider à définir ce concept?
Dre Susan Biali Haas :
Oui. Bien des gens ne savent pas vraiment ce qu’est l’épuisement professionnel. Je dirais même que c’est le cas pour beaucoup de médecins. Ce n’est pas un sujet qu’on m’a enseigné à l’école de médecine. On entend souvent le terme « épuisement professionnel », mais il fait référence à quelque chose de bien précis. En théorie, pour qu’une personne souffre réellement d’un épuisement professionnel, trois facteurs doivent être réunis : Tout d’abord, elle est épuisée sur le plan émotionnel et physique. Elle est donc très très fatiguée. Ensuite, elle constate un vrai changement de personnalité. Elle devient plus négative et cynique, en particulier à propos du travail. Elle pourrait aussi commencer à drainer l’énergie des autres. Par exemple, si elle travaille avec des clients, ils pourraient devenir, à ses yeux, des numéros ou des irritants que la personne doit subir pour survivre à sa journée et pouvoir rentrer chez elle.
Le troisième élément est, sans surprise, la perte de productivité et d’efficacité au travail, mais cette perte d’efficacité pourrait aussi être ressentie comme une perte de confiance dans la capacité à faire son travail. La personne pourrait aussi commencer à se remettre en question : est-ce que j’occupe le bon emploi? Et beaucoup de gens… à cause de mon histoire et de mon travail – je suis accompagnatrice de dirigeants, depuis à peu près 15 ans –, beaucoup de gens viennent me voir à cause de mon histoire, parce que j’ai quitté mon programme de résidence. Ils veulent de l’aide pour quitter leur travail. Et c’est fascinant de constater que la grande majorité de ces gens vit de l’épuisement professionnel, c’est pourquoi ils sentent soudainement qu’ils occupent le mauvais emploi. La plupart des gens avec qui je travaille finissent par ne pas quitter leur emploi une fois qu’on s’attaque à ce qu’ils peuvent contrôler au travail et dans leur vie personnelle. Je trouve ça vraiment excitant.
Jennifer Botterill :
En effet. Et vous leur donnez les moyens d’apporter des changements pour qu’ils se sentent mieux. Vous nous avez parlé des symptômes. Comment est-ce que vous décririez les causes de l’épuisement professionnel qui provoquent ces symptômes et les répercussions ou l’impact que ce problème peut avoir sur notre santé mentale et physique globale?
Dre Susan Biali Haas :
Bien sûr. Pour ce qui est de la cause, il est très important de comprendre que vous n’y êtes pour rien. Il est bien établi que les principaux facteurs qui mènent à l’épuisement professionnel sont liés au travail. Par définition, l’épuisement professionnel est le résultat d’un stress chronique lié au travail. Et on connaît très bien les éléments qui peuvent en être à l’origine dans le milieu de travail : une charge de travail trop lourde, l’impression de ne pas avoir le moindre contrôle sur ce qui se passe au travail, un milieu très stressant, voire toxique, ou une culture vraiment éprouvante. Des choses comme l’inégalité, évidemment. Et aussi, s’il y a des choses qui se passent au travail qui entrent en conflit avec des valeurs qui sont importantes pour vous. Ce sont les situations habituelles qui peuvent provoquer de l’épuisement professionnel. Bien sûr, il y a des habitudes de vie qui peuvent nous rendre plus vulnérables,
par exemple, le manque de sommeil ou le fait d’être constamment occupé et de ne jamais prendre de temps pour se reposer. Les facteurs peuvent donc être d’ordre personnel, mais ils sont essentiellement liés au travail. Pour répondre à votre deuxième question, qui concerne l’impact sur nous. L’épuisement professionnel, par sa nature même, est un niveau accru de stress et implique tous les effets psychologiques et physiques de ce stress chronique profond dans l’esprit et le corps. J’ai déjà mentionné certains des changements quant à la personnalité, aux pensées, aux niveaux d’énergie, qui sont des symptômes tout à fait habituels. Mais on sait aussi, à cause des effets de l’épuisement professionnel sur le corps, qu’il mène à presque tous les types de maladies physiques auxquels vous pouvez penser. Je déteste dire ça parce que je ne veux pas effrayer les gens. Je ne veux pas être un oiseau de malheur.
Il est important de savoir que l’épuisement professionnel peut causer des maladies cardiovasculaires, le diabète, des douleurs musculaires, des problèmes d’estomac, etc. Vous voulez mieux connaître l’épuisement professionnel, comprendre le problème le mieux possible. Et vous voulez contribuer à améliorer votre milieu de travail et prendre mieux soin de vous. Parfois, ça peut être motivant de savoir que ç’a vraiment un impact sur votre corps. En vous attaquant à la source du problème, vous allez vous donner une meilleure chance d’être en bonne santé physique et de vous sentir mieux le plus longtemps possible.
Jennifer Botterill :
En effet. Je pense que c’est ce vers quoi on tend tous : vivre plus longtemps et vieillir en meilleure santé et dans un état de bien-être. Vous nous avez parlé de vos expériences personnelles pendant vos études en médecine et votre résidence. D’après votre expérience, est-ce que vous avez constaté s’il y avait des domaines dans lesquels les gens étaient plus susceptibles de souffrir d’épuisement professionnel? Qu’est-ce qui pourrait expliquer ça?
Dre Susan Biali Haas :
Oui. Les cas d’épuisement professionnel ont sans aucun doute augmenté dans tous les secteurs au cours des dernières années. C’était un problème bien avant la pandémie, évidemment, mais la situation s’est aggravée. De façon générale, en raison de mon travail de prévention et de sensibilisation auprès de nombreuses organisations différentes, je constate que presque tous les domaines connaissent une hausse de la charge de travail, ont des difficultés à trouver du personnel, etc. Ces problèmes sont partout. Pour ce qui est de secteurs en particulier, il y a, bien sûr, les soins de santé. On le sait tous. Oui, absolument. Ce qui est intéressant, c’est qu’on a étudié les causes de la hausse des cas d’épuisement professionnel ces dernières années, et ce qui revient toujours c’est la bureaucratie et les frustrations qui viennent inévitablement avec le travail et le manque de personnel, des choses comme ça. C’était déjà un problème très important dans le domaine des soins de santé avant la pandémie.
Jennifer Botterill :
Est-ce qu’il y a aussi certains groupes qui pourraient être plus vulnérables ou plus susceptibles de connaître un épuisement professionnel?
Dre Susan Biali Haas :
Oui, absolument. D’après les données que j’ai lues, les femmes ont un risque accru d’épuisement par rapport aux hommes. Et c’est supposé être dans une certaine mesure, parce que les femmes ont tendance à porter une charge plus élevée à la maison aussi. Donc, elles supportent le stress de leur travail, mais elles ont souvent un deuxième quart de travail quand elles rentrent à la maison. Elles s’occupent souvent des enfants, mais aussi de leurs parents vieillissants. Il semble donc y avoir un effet démographique ici. De plus, les gens qui commencent leur carrière, peu importe leur emploi, qui ont moins d’expérience et ne savent pas comment faire face aux difficultés et résoudre des problèmes, peuvent aussi être plus vulnérables. Puis, il y a les gens qui sont des minorités et qui ont connu l’injustice. L’inégalité est l’un des principaux moteurs de l’épuisement professionnel au travail. C’est l’un des moteurs fondamentaux. Être victime d’injustice ou d’inégalité est certainement un facteur de risque important. On vit une période excitante en ce sens qu’une réelle attention est portée à tenter de corriger ces situations et de sensibiliser les gens aux injustices. Chaque fois qu’il y a une injustice, il y a un risque accru d’épuisement professionnel. Ça nous ramène à ce que j’ai dit sur ce qu’on sait des facteurs liés au milieu de travail qui favorisent l’épuisement professionnel.
Jennifer Botterill :
Vous avez mentionné à plusieurs reprises les facteurs – ou le stress – liés au travail. Comment donc savoir si je vis un niveau de stress raisonnable? Si mon épuisement professionnel est causé par ce stress temporaire? Ou s’il s’agit d’une situation d’épuisement à long terme que je dois prendre en main? Comment est-ce que les gens peuvent distinguer l’épuisement professionnel d’un stress maîtrisable?
Dre Susan Biali Haas :
Bien sûr. Vous soulevez un excellent point. On sait depuis longtemps que, quand on examine le rendement chez l’humain, il y a cette courbe. Ce n’est pas quand on est totalement détendus et qu’on n’a rien à faire qu’on est au sommet de notre rendement et qu’on s’épanouit vraiment en tant qu’humains. Même si on a besoin de repos. En fait, on compose très bien avec le stress. On a besoin d’obstacles, d’objectifs, de choses qui nous demandent des efforts et d’exigences à satisfaire. Mais la clé est la durée, n’est-ce pas? Vous avez souligné ce point par rapport au stress à court terme ou à long terme. Si vous travaillez sur un grand projet ou si vous avez une échéance serrée à respecter, ça peut vraiment faire ressortir le meilleur de vous et ne pas nécessairement causer d’épuisement si c’est pour une période donnée. Vous aurez ensuite le temps de vous en remettre.
Mais disons que ça fait des mois, voire des années, que les demandes et les pressions s’enchaînent et que vous n’avez aucun contrôle sur elles. Peut-être la culture de votre milieu de travail est-elle aussi éprouvante. Ces exigences commenceront à dépasser vos ressources. Peut-être que vous dormez moins. Vous n’avez pas l’occasion de refaire vos réserves d’énergie. Peut-être que certains aspects de votre travail deviennent plus difficiles et que vous sentez que vous ne pouvez plus vraiment y faire face. C’est là qu’on commence à sombrer dans l’épuisement professionnel et les problèmes de santé, notamment de santé mentale comme la dépression, etc. Donc on veut que les milieux de travail et les individus prennent autant de mesures que possible. Et ce n’est pas pour accentuer la pression sur les gens, pour les stresser davantage ou pour rallonger leur liste de choses à faire. Il s’agit plus d’être conscient de cette zone où je me sens en vie et où j’ai de l’énergie, et je me sens bien à propos de ce que je fais dans mon travail et dans le monde, et de ce que je peux faire au travail et dans ma vie personnelle pour me garder autant que possible dans cette zone d’épanouissement et hors de la zone d’épuisement.
Jennifer Botterill :
Absolument. Personnellement, d’après mon expérience comme joueuse de hockey et athlète olympique, et même maintenant dans le monde de la radiodiffusion, c’est une drôle de situation. Quel est mon niveau de rendement idéal? J’ai l’impression que c’est une question à géométrie variable pour bien des gens : être détendu d’un côté et être intense et compétitif dans le milieu sportif de l’autre. Il faut déterminer où est le juste milieu. Chaque personne, chaque athlète, chaque professionnel sera différent. Vous avez mentionné certains des différents symptômes que les gens pourraient ressentir lors d’un épuisement professionnel : fatigue, négativité, perte de productivité. Est-ce qu’ils apparaissent dans cet ordre? Est-ce que vous pouvez nous expliquer les étapes que quelqu’un pourrait traverser lors d’un épuisement professionnel?
Dre Susan Biali Haas :
Oui. Une autre bonne question. Quand je présente ces trois symptômes, il n’y a pas d’ordre chronologique. Ce sont les trois éléments. Les trois doivent être réunis pour qu’il y ait épuisement professionnel. Donc si vous êtes juste fatigué, mais que vous avez un sentiment global positif à l’égard de votre travail, vous entretenez de bonnes relations avec vos collègues, vous êtes raisonnablement productif, vous aimez toujours votre travail et vous sentez que vous êtes au bon endroit : c’est de la fatigue, ce n’est pas encore de l’épuisement professionnel. Et pour autant que je sache, il n’y a pas de consensus dans la recherche. Tout ça dépend de chaque personne. Hmm. La première chose qu’une personne pourrait remarquer c’est qu’elle commence à être vraiment fatiguée. Une autre personne pourrait remarquer qu’elle commence à avoir la mèche courte au travail. Quand j’étais médecin, la première chose qui me sautait aux yeux c’était que j’avais moins de patience avec mes patients.
Jennifer Botterill :
En effet.
Dre Susan Biali Haas :
Pour moi, ce serait un signe : ce n’est pas encore de l’épuisement professionnel, mais je dois faire attention. Je dois m’assurer de dîner aujourd’hui. Je dois manger un petit-déjeuner équilibré. Je dois prévoir des vacances. Vous savez, ce sont évidemment des choses très simples, mais ce que je dis c’est que ces éléments attireraient mon attention. Et c’est ce qu’on veut surveiller. On veut idéalement s’empêcher d’entrer dans un état d’épuisement complet.
Jennifer Botterill :
Et vous avez dit que ce sont peut-être des choses simples, mais ce sont des indicateurs très importants. Oui. Alors, pendant ces différentes étapes, à quel moment est-ce qu’il serait convenable de demander de l’aide ou du soutien? Est-ce que c’est à ces étapes? Est-ce que c’est avant qu’ils deviennent trop persistants? Quel est le bon moment pour aller chercher de l’aide?
Dre Susan Biali Haas :
Eh bien, je dirais qu’il n’y a jamais de mauvais moment. Je prône l’idée selon laquelle le plus tôt est le mieux, mais ce n’est pas possible pour tout le monde en fonction des ressources à votre disposition, du temps que vous avez. Par exemple, si vous êtes un parent occupé… Mais, attention, il n’est jamais trop tard non plus. En gros, ça en vaut toujours la peine. Si vous vous dites que vous pourriez avoir besoin d’aide ou de soutien, ou si quelqu’un vous suggère l’idée, je vous encourage vraiment à agir et à demander de l’aide. Ça n’a pas de prix. Et on sait que la consultation psychologique pour des problèmes comme la dépression est aussi utile pour l’épuisement professionnel. On sait que ce type de traitement peut être encore plus efficace que les médicaments aux stades précoce ou modéré. Il ne s’agit pas que de parler. Ce type de soutien a des effets positifs sur le cerveau et sur le corps.
Jennifer Botterill :
Totalement. On va faire une petite pause et on vous retrouvera tout de suite après ce message.
Présentateur :
L’émission vous plaît jusqu’à présent? N’oubliez pas de consulter notre site Web, manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge.
Jennifer Botterill :
Nous voici de retour à Au-delà de l’âge. Susan, vous avez aussi souligné à quelques reprises l’importance de la récupération. Vous avez mentionné que, que ce soit à court ou à long terme, il faut de la planification pour pouvoir incorporer ces moments de récupération. Vous avez aussi parlé du milieu de travail et du stress qui peut être créé et des exigences qui y sont associées. Est-ce que vous avez vu des choses que font les employés ou les employeurs et qui mènent à l’épuisement professionnel?
Dre Susan Biali Haas :
Oui. Cette question me ramène aux études de longue date que j’ai mentionnées et qui ont établi les principaux facteurs qui provoquent l’épuisement professionnel. Je ne veux pas jeter la pierre aux employeurs parce que beaucoup de ces facteurs échappent souvent à leur contrôle, comme les objectifs à atteindre. S’ils manquent de personnel, le travail doit tout de même être fait. Je crois donc qu’il est très important que les employeurs connaissent ces six facteurs : la surcharge de travail, le manque de contrôle, les problèmes communautaires, les inégalités et les conflits de valeurs. Ils doivent en être conscients et réfléchir à la façon dont ils pourraient en tirer parti pour mieux soutenir leurs employés. Par exemple, le manque de contrôle. C’est ce qui est le plus excitant à propos de l’époque dans laquelle on vit : il y a un grand désir à épauler les employés. J’entends ça de tous les secteurs. Jour et nuit pratiquement, les gens communiquent avec nous. Ils veulent soutenir et aider leur personnel.
C’est vraiment l’esprit de notre temps. Ils veulent aider. Et le dialogue est primordial dans tout ça. C’est pourquoi il est si important de sensibiliser les gens à ces facteurs. Pour en revenir au contrôle, j’encourage les employeurs à discuter avec leurs employés et à leur demander : « Qu’est-ce qui vous aiderait à vous sentir plus en contrôle? Est-ce qu’on pourrait revoir la façon dont on établit l’horaire? Ou votre façon d’aborder votre travail? Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous rend fou, qui vous empêche de travailler? Est-ce qu’il y a des irritants bureaucratiques? » Les travailleurs sont ceux qui ont les réponses. Et j’ai souvent vu des employeurs bien intentionnés trouver des idées pour aider leur personnel sans en discuter d’abord avec lui. Ces solutions ne sont donc pas très efficaces et n’ont pas la plus grande portée. Mais aussi, parfois les employeurs ne peuvent pas faire ce qui est idéal, mais ils peuvent faire quelque chose. Dans l’ensemble, il faut comprendre les facteurs de l’épuisement professionnel en tant qu’organisation, puis collaborer avec le personnel pour déterminer quelles sont les choses qu’on peut changer. Tout le monde en sortira gagnant.
Jennifer Botterill :
En déterminant ces facteurs… Et vous avez aussi mentionné la communication et le dialogue des deux côtés. Il faut examiner l’autre aspect de la question. On a vu ce qui peut conduire à l’épuisement professionnel, mais vous avez aussi donné des exemples de prévention. Est-ce qu’il y a d’autres mesures ou approches communes que les employeurs et les employés pourraient prendre pour prévenir l’épuisement professionnel?
Dre Susan Biali Haas :
Oui, il y en a des tonnes. Un facteur qui me vient à l’esprit et que je pense avoir oublié de mentionner est le manque de reconnaissance ou le manque de récompenses. Sentir que sa contribution à une organisation n’est pas reconnue à sa juste valeur est un grand facteur d’épuisement professionnel. Et les experts pensent que c’est une grande partie de ce qui a conduit au phénomène de la Grande Démission. Ce qui est intéressant ici c’est que ces personnes, qui ne se sentaient pas valorisées, étaient en réalité appréciées, mais cette reconnaissance ne leur était pas assez communiquée ou elle l’était, mais de façon inadéquate. C’est donc quelque chose qu’on peut tous faire, que ce soit du côté de l’employeur, des dirigeants, ou du côté du personnel, pour renforcer la culture et les gens, et ce, peu importe où l’on travaille. C’est toujours un devoir que je donne aux organisations avec lesquelles je travaille.
Donc la prochaine fois – et toutes les fois qui suivront – que vous penserez à un collègue, à un bon coup qu’il a fait ou à quelque chose que vous appréciez, dites-le-lui! Ça aura des effets très bénéfiques. Dites aux gens combien vous les estimez quand ça vous arrive, quand vous le remarquez. Mais aussi quand quelqu’un vous exprime sa reconnaissance, prenez le temps de bien assimiler, de vraiment recevoir cette marque d’estime. Reconnaissez que vous êtes bon dans ce que vous faites, que vous faites une différence positive. Car quand on les accepte, ces marques de reconnaissance sont très très protectrices en ce qui concerne l’épuisement professionnel.
Jennifer Botterill :
Absolument. Je pense qu’on doit tous profiter de ces moments pour être présents et nous arrêter un instant pour nous imprégner du compliment, au lieu de le laisser filer et d’attaquer la tâche suivante. Simplement faire une pause pour célébrer notre valeur et ce qu’on apporte à notre travail. Donc, avec toutes ces choses dont vous avez parlé… en ce qui concerne l’épuisement professionnel et le vieillissement, est-ce que l’épuisement professionnel peut conduire à des changements physiques dans notre corps? Et est-ce qu’il peut avoir des effets sur notre vieillissement?
Dre Susan Biali Haas :
Oui. J’en ai bien peur. Oui.
Mais c’est un sujet qui me passionne parce que j’aime savoir ces choses. Ce qu’on apprend de plus en plus – j’ai beaucoup écrit à ce sujet dans mon livre, The Resilient Life – c’est que le corps est capable de se rétablir. Comme vous l’avez indiqué, j’ai mentionné ça plusieurs fois… Même à propos de l’ADN. On sait qu’une personne qui vit du stress chronique vieillira plus vite du point de vue cellulaire, ce qui se répercutera sur tous les aspects de son esprit et de son corps. Mais ce n’est pas un état permanent. On sait, par exemple, que des habitudes telles qu’adopter des pratiques corps-esprit comme la méditation, le yoga, etc., mieux dormir, mieux manger ou réduire son stress – s’il y a des aspects de ce stress qu’on peut contrôler –, apprendre à mieux percevoir et gérer son stress ou, encore une fois, parler à un professionnel… on sait que ce genre de choses guérit vraiment notre ADN et inversent certaines des incidences négatives du stress chronique. Donc oui, c’est une situation sérieuse, mais tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir.
Jennifer Botterill :
En effet. Est-ce que vous aimeriez ajouter autre chose en ce qui concerne l’importance de la récupération? Ou sur la façon dont les gens peuvent incorporer ces habitudes de récupération ou s’assurer que dans leur planification et leur horaire, ils prévoient du temps pour planifier les repas, bien manger, méditer, faire du yoga? Même s’ils n’ont pas une heure à consacrer à un cours de yoga, ils peuvent intégrer une séance de 20 minutes. Quelles sont, selon vous, les autres grandes priorités pour prévenir l’épuisement professionnel?
Dre Susan Biali Haas :
Oui, il y a beaucoup de choses qu’on peut faire, ce qui bien sûr peut aussi être accablant. Je dirais donc que, pour une personne occupée et dépassée, la meilleure chose à faire de façon ponctuelle est de respirer profondément. C’est vrai, non? Quand vous vous sentez stressé. Moi-même je le fais quand je télécharge quelque chose. J’utilise une méthode « 4, 6, 8 ». J’inspire par le nez en comptant jusqu’à quatre, puis je retiens mon souffle dans ma poitrine en comptant jusqu’à six et j’expire en comptant jusqu’à huit. On sait que l’impact du stress chronique et du stress à court terme est transmis par le système nerveux sympathique, qui est notre système de réponse au stress. Et quand vous respirez profondément, en particulier quand vous expirez pendant de longues secondes et que vous videz vos poumons pour vous calmer, ça stimule ce qu’on appelle le système nerveux parasympathique, qui est le système opposé, celui qui permet de vous détendre.
En prenant simplement quelques profondes respirations, vous pouvez freiner votre réponse au stress dans tout votre corps à tout moment. C’est une chose simple. Mais je vous encourage vraiment à réfléchir à ce qui fonctionne pour vous parce que les stratégies que vous intégrerez doivent vous être bénéfiques, elles doivent fonctionner pour vous et idéalement, vous voulez en tirer du plaisir. Elles doivent correspondre à votre mode de vie. Vous pourriez même réfléchir à un autre moment de votre vie, à une époque où vous vous sentiez mieux et en meilleure santé, où vous aviez peut-être aussi certaines habitudes. Vous alliez faire des promenades tous les jours, vous vous couchiez plus tôt ou vous ne regardiez peut-être pas Netflix pendant cinq heures chaque soir. Pensez à ces périodes et aux moments où vous vous êtes senti rétabli, par exemple après des vacances ou après certaines activités que vous faisiez la fin de semaine. Pensez à ce qui a fonctionné pour vous dans le passé et à la façon de les réintégrer dans votre vie, même si ce n’est que quelques minutes à la fois. Chaque petit geste compte.
Jennifer Botterill :
Et je pense que trouver le but de chacun de ces petits gestes peut être si bénéfique pour nous tous. Si l’on y réfléchit bien, chaque personne aura dans sa vie des circonstances qui lui sont propres sur le plan professionnel et personnel. Et je pense qu’on sait tous que la vie peut être exigeante et occupée, mais je crois qu’on doit prévoir du temps pour trouver des éléments qui ont un objectif, qui contribuent à notre santé et notre bien-être, et les intégrer dans notre planification quotidienne pour qu’ils fassent partie de notre routine. Maintenant, compte tenu de certaines des conversations autour de l’épuisement professionnel, est-ce qu’il y a des mythes ou des idées fausses sur l’épuisement professionnel que vous aimeriez déboulonner?
Dre Susan Biali Haas :
Je dirais que l’un des mythes les plus tenaces est que c’est un problème individuel, que la cause est la personne. Autrement dit, si vous souffrez d’épuisement professionnel, c’est votre faute, vous devez faire quelque chose de travers. Et ce n’est pas vrai. Comme je l’ai mentionné, on sait que les principaux facteurs de l’épuisement professionnel sont des éléments liés au travail sur lesquels on n’a souvent pas beaucoup de contrôle, du moins au début. Donc, il n’y a pas de honte à subir un épuisement professionnel. Ce n’est pas un signe de faiblesse. C’est un résultat totalement prévisible quand les êtres humains sont exposés à divers facteurs de stress. Le second mythe est que seules des vacances peuvent régler l’épuisement professionnel. Et on sait que les vacances sont très importantes, et qu’elles font partie intégrante d’une stratégie pour prévenir l’épuisement professionnel et s’en remettre. Mais ce qui importe le plus est notre façon de vivre au quotidien et,
comme vous l’avez dit, la manière dont on intègre ces éléments qui nous soutiennent. Je dirais que le plus grand mythe que je vois, et je le vois surtout chez les femmes, mais les hommes aussi, bien sûr, c’est que c’est égoïste de prendre du temps pour soi. Les parents qui travaillent ont tellement de mal avec ça. Ils veulent penser à tout le monde en premier, mais quand vous vous occupez de vous, tout le monde en profite. Même si, sur le coup, les enfants se plaignent et ne sont pas contents que leur mère soit partie faire quelque chose pour elle, c’est si important. Au bout du compte, tous en profiteront si vous vous occupez de vous-même : votre lieu de travail, votre famille, vos amis, votre communauté. C’est la meilleure chose qu’une personne puisse faire.
Jennifer Botterill :
C’est un excellent rappel. J’ai trois jeunes enfants, et je pense que c’est un rappel important pour nous tous. Vous savez, je pense qu’on est nombreux à vouloir aider les autres et donner le meilleur de nous-mêmes pour ceux qui nous entourent, mais c’est un message important : il est crucial de se prioriser soi-même et c’est ce qui sera le mieux pour tous les gens de votre entourage. Vous nous avez transmis tant de renseignements précieux aujourd’hui Susan. Si vous pouviez résumer, est-ce qu’il y a un ou deux points importants à retenir ou quelques éléments qui, selon vous, sont les plus importants et que vous aimeriez que notre auditoire retienne de notre discussion d’aujourd’hui?
Dre Susan Biali Haas :
Bien sûr! Donc, le plus important est vraiment de bien prendre soin de vous-même et de savoir ce que ça implique et la façon d’y arriver. Le deuxième point serait de prêter une attention toute particulière à votre état. Est-ce que vous manquez d’énergie? Comment est-ce que vous vous sentez? Est-ce que vous vous sentez un peu plus grincheux, plus irritable? Portez attention à ces signes précurseurs, puis allez chercher de l’aide le plus tôt possible, et idéalement intégrez cette aide dans votre vie, mais n’hésitez pas à vous tourner vers les autres et à obtenir ce soutien. Informez-vous sur les avantages sociaux que vous offre votre travail, par exemple, et utilisez-les. Ce sont ces éléments que j’aimerais que les gens retiennent.
Jennifer Botterill :
Très utile. Susan, quel plaisir d’avoir discuté avec vous! Ç’a été un échange incroyable. Je sais qu’on retiendra tous beaucoup de choses de cette discussion. Merci d’avoir pris le temps de nous informer sur ce sujet aujourd’hui. Merci, Susan.
Dre Susan Biali Haas :
Je vous en prie. Merci infiniment.
Jennifer Botterill :
Voilà! Merci d’avoir écouté un épisode du balado Au-delà de l’âge, une exclusivité de Manuvie. Ne manquez pas notre prochain épisode. Il sera question de technologie portable et de votre santé avec le docteur Greg Wells, de Toronto, en Ontario. N’oubliez pas de consulter notre site Web, manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge.
Présentateur :
Les pensées et les opinions exprimées sont celles de l’animateur et de ses invités; elles ne représentent pas nécessairement celles de Manuvie.